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Cela signifie que contrairement à ce qui se passe avec les diverses licences «libres», je ne retiens aucun droit sur mes textes, qui peuvent être utilisés y compris à des fins commerciales, y compris sans en citer l'auteur et sans m'en avertir. La seule restriction, en quelque sorte, est que ces textes, étant dans le domaine public, sont non appropriables, c'est-à-dire que personne ne peut se faire passer pour leur auteur et de s'approprier un droit d'auteur à leur propos. En somme, c'est comme pour Les Misérables de Victor Hugo: quiconque peut utiliser ce texte comme il l'entend, et peut même affirmer publiquement en être l'auteur (au risque du ridicule), mais ne peut pas ce faisant acquérir sur lui des droits lui permettant d'en interdire l'usage à d'autres.

Cela n'empêche...

... qu'il est gentil de me signaler les usages que l'on ferait de mes textes. Il est éthiquement juste, à défaut d'être légalement obligatoire, d'être gentil.

Par ailleurs, la renonciation aux droits d'auteur n'implique pas une renonciation aux recours que je pourrais faire contre une déformation à caractère diffamatoire de mes propos. De manière générale, je ne trouve pas souhaitable de recourir aux tribunaux pour régler les questions d'opinion; mais je ne renonce pas de manière définitive à une telle éventualité.

Pourquoi

Sur l'illégitimité de la notion de «propriété intellectuelle»

La notion de propriété se veut fondée comme principe par diverses philosophies libérales. Je trouve contestable cette vision libérale – si ce n'est que parce qu'elle s'appuie fondamentalement sur la croyance en l'identité personnelle. Cependant, même si je l'acceptais, je ne pourrais accepter que cette propriété de principe s'étende à la «propriété intellectuelle», puisque par nature l'information est duplicable, ce qui implique qu'il ne peut y avoir de «vol» en la matière. Lorsque je fais une copie d'un morceau de musique, d'une image, d'un texte, etc. je ne prive personne de la possession de ce même morceau de musique, image ou texte.

Les tenants de la «propriété intellectuelle» répondent souvent qu'en copiant une œuvre de l'esprit, on prive son auteur d'un gain. En effet, cela est possible. Il est aussi possible que non; car rien ne dit que ne pouvant copier, par exemple, un certain morceau de musique, je serais allé l'acheter à la place. Mais surtout, cette argumentation présentant la copie comme un vol revient à accorder à l'auteur de l'œuvre un droit de propriété sur mon futur acte d'achat. Pourtant, il n'avait aucun droit sur cet acte d'achat, et ceci, même quand cet acte est certain, ou l'aurait été en l'absence de copie «pirate».

À la base de cette question, il y a le problème de la notion de «dommage». Le Code civil (article 1382) énonce que tout dommage doit être réparé. Mais un dommage n'est pas n'importe quel acte qui va à l'encontre des intérêts d'autrui. Je peux faire beaucoup de choses que d'autres préféreraient que je ne fasse pas, sans que ceux-ci puissent m'en demander réparation; à commencer par exprimer des idées qui ne plaisent pas à tout le monde. Ou encore, si je décide de ne pas acheter un certain morceau de musique, l'auteur de ce morceau ne peut pas s'en plaindre. Il en va de même si je dissuade autrui d'acheter ce morceau. De même, enfin, si je dissuade quelqu'un d'acheter de la viande de lapin.

Pourtant, lorsque l'association animaliste L214 a mené une campagne à l'encontre de la viande de lapin, le syndicat des producteurs a porté plainte... et a eu gain de cause. Voir le communiqué de L214 à cet effet.

Je ne sais pas exactement comment se définit le dommage, et quels sont ses fondements conceptuels. C'est une question importante à creuser. Je soupçonne que pour une large part il s'agit d'un concept élastique, que diverses forces économiques tentent de retailler selon leur préférence, comme dans le cas de cette action contre L214.

Faut-il accepter la copie sans restrictions?

Je pense que la règle générale devrait être: l'information peut être copiée sans restrictions; l'auteur de l'information n'a aucun droit particulier sur elle, n'étant privé d'aucune propriété par cette copie.

Mais si je n'admets pas la notion de propriété intellectuelle, je ne suis pas pour autant hostile à toute restriction aux droits des individus sur la base de l'intérêt collectif (ou d'une autre considération éthique). S'il est établi, par exemple, qu'en accordant un droit exclusif de fabrication limité dans le temps à l'auteur d'une invention, on stimulera l'innovation, il peut être juste de le faire; cela ne constitue pas un droit de propriété, mais un privilège accordé au nom d'un certain bien. S'il s'avère (on pense éventuellement à certains médicaments) que le résultat n'est pas favorable, ces droits exclusifs devraient tomber.

Je ne suis pas du tout convaincu que par exemple dans le domaine de la création artistique, les droits d'auteur actuellement accordés soient bénéfiques à la société tout entière. La question en tout cas mérite d'être posée sans présupposer que les auteurs aient un droit quel qu'il soit à ce sujet.

Cas des textes et autres productions ne visant aucun but lucratif

Dans les milieux alternatifs ou d'une certaine culture du «libre», on voit fréquemment apposer aux productions intellectuelles une licence «libre», mais comportant des restrictions. Celles-ci prohibent généralement l'utilisation commerciale, et/ou imposent que soit cité l'auteur de l'œuvre.

Cela peut paraître peu de chose, mais perpétue encore l'idée selon laquelle l'auteur d'une œuvre possède un droit sur elle; c'est-à-dire, possède un droit sur les actes d'autrui.

Cela pourrait cependant se justifier s'il existait des raisons effectives rendant opportun d'imposer ces restrictions. Généralement, pourtant, ces raisons n'existent tout simplement pas.

C'est le cas pour mes textes. J'écris pour diffuser des idées. De fait, il est peu probable que quiconque envisage de s'enrichir en faisant de mes textes un usage commercial, et/ou veuille les reproduire en cachant que j'en suis l'auteur.

Et le respect des droits d'auteurs d'autrui?

Je ne me reconnais aucune obligation formelle de respecter les «droits d'auteur» d'autrui; je ne reconnais pas aux auteurs de droit particulier sur les informations qu'ils publient. En pratique, je ne cherche pas à aller en prison (ou à payer des amendes ou des dommages et intérêts), ni tout simplement à chagriner les gens, et je respecte donc de fait, en général, les droits que les personnes s'attribuent à ce sujet.