Qu'est-ce que le spécisme?

Par David Olivier Whittier

Ce texte a été publié à l'origine dans la revue Informations et Réflexions libertaires (IRL) en avril 1991 (n°87), puis dans le n° 5 (1992) des Cahiers antispécistes. Enfin, il a été repris en 2018 dans l'ouvrage collectif La Révolution antispéciste.

Chapeau accompagnant l'article lors de sa parution dans les Cahiers antispécistes (1992):

L'article reproduit ici est une version légèrement modifiée d'un texte publié en avril 1991 dans la revue Informations et Réflexions Libertaires, dans la rubrique «Antispécisme» que nous y tenions.

Bien que nécessaire, l'argumentation rationnelle au sujet du spécisme a quelque chose de frustrant. Car nos adversaires, eux, ne s'embarrassent guère de chercher des arguments qui tiennent debout; et ils s'occupent peu d'examiner les nôtres. Pour eux, le spécisme se passe de justifications rationnelles. Il m'est arrivé récemment de presque supplier, de dire (à une anarchiste, d'ailleurs): «Mais dis-moi, pourquoi, donne-moi un seul argument, pourquoi forcément tu considères que la souffrance des poules en batterie est un sujet secondaire...» Sa seule réponse: «Pour moi, c'est comme ça.» (texto). Pourquoi? Parce que. Le caractère évident du spécisme, le fait que l'immense majorité des humains font partie des oppresseurs, est l'obstacle principal auquel se confronte l'antispéciste.

Il s'agit encore une fois d'être du côté de ceux qui sont méprisés et opprimés - en sachant que le mépris rejaillit sur celui qui les défend. Il fut un temps où le Blanc défenseur de «nègres» pouvait être traité comme un «nègre». Il est relativement facile aujourd'hui d'être antiraciste ou antisexiste en France, au moins en opinion; cela n'a pas toujours été le cas. Aujourd'hui, au moins dans les milieux de gauche, c'est l'antiracisme et l'antisexisme qui sont devenus des évidences, presque des lieux communs se passant d'arguments. La nouvelle droite a eu la partie belle, face à un antiracisme qui, à «Pourquoi?», répondait «Parce que.», d'apparaître par contraste comme des gens qui pensent.

Pourtant, à un niveau mondial, et au cours de l'histoire, c'est bien le racisme, et non l'antiracisme, qui, tout comme le spécisme et le sexisme, est, et a toujours été, la pensée dominante. Les oppressions et massacres interethniques sont monnaie courante dans l'histoire passée et présente de tous les humains. Si beaucoup de peuples aujourd'hui peuvent paraître faire partie du camp antiraciste, c'est d'abord parce qu'ils s'opposent eux-mêmes au racisme dominant, celui de la culture occidentale, qui gomme leurs différences, et leur culture, pour ce qu'elle a de meilleur, et aussi de pire. Nous savons très bien que la culture kanake est, dans l'ensemble, sexiste, mais, chut!, il ne faut pas le dire. Il faut «respecter leur culture comme elle est». Est-ce respecter des gens que de ne rien leur dire?

Nous avons, face à l'immense prévalence du racisme, du sexisme et du spécisme, non pas à nous contenter de nous scandaliser et de nous référer à des «évidences», mais à réfléchir et à argumenter; sans craindre d'être du côté des «nègres», des «gonzesses», ou des chiens.

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Résumé: Le spécisme, discrimination injustifiée à l'encontre des animaux non humains, est fondé l'affirmation d'une différence d'essence, ou de nature, entre les humains et les autres animaux. Les différences réelles entre les groupes sont, non des arguments justifiant réellement les discriminations, mais des signes des différences d'essence; et ce sont ces différences supposées d'essence qui sont censées justifier de maltraiter certains au bénéfice d'autres.

Cette logique est la même que celle des discriminations injustifiées entre humain-e-s comme le racisme ou le sexisme, mais les personnes antiracistes et antisexistes se handicapent elles-mêmes en refusant de promouvoir un vrai anti-essentialisme, car celui-ci impliquerait de remettre en cause le spécisme – ce que le plus souvent elles ne veulent surtout pas. La seule réelle solution, pourtant, est de réellement remettre en cause l'essentialisme et de comprendre que ce qui compte, quand nous considérons la façon juste de traiter un être, est simplement le fait qu'il puisse souffrir et jouir de la vie.

Ma position

Je soutiens qu'il ne peut y avoir aucune raison – hormis le désir égoïste de préserver les privilèges du groupe exploiteur – de refuser d'étendre le principe fondamental d'égalité de considération des intérêts aux membres des autres espèces.

Peter Singer, Animal Liberation, 19751

Faut-il être antispéciste? Eh bien, faut-il être antiraciste? C'est évident que oui? Ce n'est pas évident pour tout le monde; et il ne semble pas que tous les antiracistes soient antiracistes pour les mêmes raisons. Ma position est que l'antiracisme n'est justifié ni parce que (presque) tous que les humains sont également intelligents, ou ont un langage articulé, ou sont sociaux, etc.; l'antiracisme et l'antispécisme sont justifiés parce qu'un être sensible opprimé souffre et que la souffrance et le bonheur de tout être sensible, c'est-à-dire susceptible de souffrir ou d'être heureux, ont la même importance et doivent par conséquent être pris en compte avec un poids identique.

Je ne suis pas plus «défenseur des animaux» que ceux qui luttaient contre l'esclavage des Noirs n'étaient des «défenseurs des Nègres», comme les appelaient les racistes; je défends des animaux opprimés, humains ou non, non par lubie, non par vocation, non parce que «j'aime les animaux» comme d'autres «aiment les fleurs»; je défends les animaux et en particulier les animaux non humains parce que mon intention est de défendre tous les êtres sensibles, quels qu'ils soient; parce que le seul critère qui justifie de prendre en compte les intérêts d'un être est qu'il ait des intérêts, et parce que, comme je l'expliquerai dans le prochain IRL, le phénomène de la sensibilité se limite vraisemblablement aux animaux, les plantes n'ayant ni sensations ni intérêts. Mon opposition au spécisme est une opposition à une idéologie qui sert à justifier la souffrance ignoble et la mort que la quasi-totalité des humains infligent sciemment, délibérément, quotidiennement, à des milliards d'êtres aussi sensibles qu'eux.

Racisme et spécisme

Les arguments racistes ne sont souvent que de mauvais prétextes; mais cela ne dispense pas de les examiner. Il ne suffit pas de dénoncer les méchants racistes, qu'à moins de supprimer il faut pouvoir convaincre. Et aussi, dans le cas du spécisme, le rôle de méchants est tenu par presque tous les humains, qui usent des mêmes arguments que les racistes pour justifier la suprématie qu'ils s'octroient à eux-mêmes.

Le racisme et le spécisme sont des idéologies étroitement imbriquées, et leur ressemblance serait évidente à tous si n'était que, justement, les antiracistes sont pour la plupart spécistes et ont donc fortement intérêt à ne pas la percevoir. La volonté qu'ils ont de combattre le racisme sans mettre en danger le spécisme les amène à vouloir à tout prix défendre des positions indéfendables, qu'ils présentent pourtant comme essentielles à l'antiracisme. L'idée d'égalité animale étant pour eux impensable, c'est contre les autres animaux qu'ils veulent fonder l'égalité humaine.

Les Français d'abord!Les humains d'abord!
Dieu a donné la supériorité aux Blancs.Dieu a donné la supériorité aux humains.
Nous nourrissons et protégeons les nègres.Nous nourrissons et protégeons les bêtes.
Les nègres sont moins sensibles que nous.Les animaux ne savent pas qu'ils souffrent.
Les nègres accordent peu de valeur à la vie.Les animaux ne savent pas qu'on va les tuer.
Les nègres sont de grands enfants.Les animaux n'agissent que par instinct.
Les indigènes se font la guerre entre eux.Les animaux se mangent entre eux.
Les nègres se ressemblent tous.Les animaux n'ont pas de personnalité.
Raciste, moi? J'ai un ami arabe.J'aime les bêtes, je ne mange pas de cheval.
Battre sa femme est un choix personnel.Manger de la viande est un choix personnel.

Qu'est-ce que le racisme?

Quand l'antiraciste parle de cette égalité humaine, que veut-il dire? En mathématiques, on dit «Paul = Jean» si ce sont deux noms pour la même personne. Il ne s'agit pas de cela. Les Noirs et les Blancs ne sont en général pas égaux par la couleur de leur peau, puisque justement elle est différente. L'égalité dont parle l'antiraciste s'oppose à l'inégalité de traitement dont sont victimes certains en raison de la couleur de leur peau.

Mais l'expression «inégalité de traitement» est elle-même insuffisamment claire. Si j'étais médecin, je traiterais parfois Noirs et Blancs différemment: comme la peau noire absorbe moins le soleil, les Noirs dans un pays donné risquent moins le cancer de la peau. Constater cela n'est pas raciste, pas plus que ne serait constater, si tel était le cas, qu'une certaine couleur de peau n'a que des avantages sur une autre. L'antiracisme ne peut être fondé sur l'hypothèse hasardeuse d'une distribution équitable des faveurs de «Mère Nature» entre ses «enfants»; car ce genre d'hypothèse, on va le voir, n'a aucune raison d'être vraie, et, de fait, le plus souvent, est fausse.

Ce serait certainement raciste, par contre, d'accorder plus ou moins d'importance aux intérêts – à la santé par exemple – des Noirs qu'à ceux des Blancs. Ce serait raciste de dire: la couleur de la peau d'un être justifie de le défavoriser, c'est-à-dire d'accorder moins d'importance à ses intérêts.

Si telle était la position des racistes, si elle ne se basait que sur la couleur de la peau, elle serait facile à contredire; mais ce n'est pas le cas. J'ai lu une histoire il y a quelques années sur une Blanche noire sud-africaine. Une maladie avait rendu la peau de cette dame blanche toute noire. La honte face aux voisins! Il a fallu, pour qu'elle puisse accéder aux bus pour Blancs, etc., que les autorités lui délivrent une carte spéciale certifiant que bien qu'elle était noire, elle était blanche.

Ce n'est donc pas, pour les racistes, la couleur de la peau qui justifie la discrimination. Qu'est-ce qui justifie la discrimination, dans ce cas? Que dit donc le racisme? Pour contredire une idéologie il faut déjà qu'elle soit dite; et la puissance de l'idéologie raciste doit sans doute beaucoup au fait qu'elle n'est jamais vraiment dite, donc jamais vraiment contredite.

Qu'est-ce qu'un Noir?

Il importe beaucoup au raciste que la frontière qu'il trace le mette du bon côté, définitivement. La race est un bon critère pour cela, car né blanc, on reste blanc, sauf exception. Mais avoir une frontière ne suffit pas, il faut encore que la définition de cette frontière paraisse justifier la discrimination. La couleur de peau est un critère bien trop mince, il faut donner une substance, une épaisseur à l'idée de race elle-même. Un Noir doit être noir jusqu'à l'os. La race d'un individu doit être perçue comme sa vérité profonde, comme sa nature. Noir ou blanc, un Noir né de Noirs doit être un Noir. De sang noir. Le raciste ne justifie pas la discrimination par la couleur de la peau. Il parle de la couleur, mais en fait pour lui importe la nature, dont la couleur n'est qu'un signe.

Si le racisme se basait sur des différences réelles, son intensité serait proportionnée à leur intensité; mais la violence de l'antisémitisme nazi montre le contraire. La quasi-inexistence de différences repérables entre Juifs et «Aryens» était simplement un signe de plus, le signe de la duplicité des Juifs. Les nazis, en parlant du «nez juif», ne parlaient pas de «la forme de nez que les Juifs possèdent plus souvent que les autres»; le «nez juif» n'était pas simplement le nez des Juifs, c'était le nez signe de l'essence juive, et c'est cette essence, cette nature, qui, aux yeux des nazis, justifiait le meurtre.

On dit aussi que le roi est roi parce qu'il a une couronne sur la tête, tout en sachant qu'il arrive qu'il ne la porte pas, et que ce n'est pas à cause d'elle qu'il est roi; pour le royaliste, le roi est roi parce qu'il est de sang royal, de nature royale; la couronne n'en est que le signe.

N'importe quoi peut être signe d'une nature, peut être interprété comme tel. C'est pourquoi les discussions avec les racistes sont si frustrantes. Le raciste s'occupe peu d'examiner et de produire des arguments qui tiennent debout; tout argument est pour lui superficiel, ne concerne que les signes, ne peut atteindre la nature, car la nature se passe d'arguments. De la couleur, de la taille (les Noirs sont trop petits, ou alors trop grands, ça dépend des régions), de l'accent, de la forme du nez, de tout cela le raciste veut bien discuter, il se fiche d'en discuter: de toute façon, pour lui, la nature demeure.

Pour le raciste, c'est la nature des êtres qui justifie la discrimination: littéralement, l'affirmation de leur différence. Il n'a pas besoin de postuler l'infériorité; entre êtres de nature différente toute comparaison est impossible. L'apartheid, c'est le développement séparé: chacun à sa place. Le raciste sud-africain niera que les Noirs soient défavorisés: comme ils sont de nature différente, cela n'a pas de sens. Les bidonvilles sont aux Noirs ce que les logements confortables sont aux Blancs. Aussi étonnant que cela paraisse, je parierais fort que les marchands d'esclaves du XVIIIe siècle niaient que pour eux, les Noirs fussent inférieurs; car, aussi étonnant que cela paraisse, j'ai trop entendu de mangeurs de viande (anarchistes bien sûr) niant que pour eux, les «animaux» soient inférieurs – «pas inférieurs, non, différents».

Le discours sexiste se fonde lui aussi explicitement sur l'affirmation de l'existence de deux natures différentes, féminine et masculine, et sur l'éloge de la Femme, de la Mère, de l'Épouse, de celle dont le bonheur et l'honneur est de fonder les nations en lavant les casseroles. «Moi j'aime les femmes!», dit le sexiste (ou «les dindes» ou «les poules»).

Depuis le «je ne suis pas raciste» populaire jusqu'à l'«éloge de la différence» nouvelle droite, c'est toujours l'idée de différences de nature qui fonde racisme et sexisme. Et ces idéologies sont fausses, non parce que la peau blanche «égale» la peau noire, mais parce cette nature n'existe tout simplement pas. Mais elles sont d'autant plus crédibles que presque tous, en cachette, en acceptent le principe, et, je le pense, ils l'acceptent parce que la survie du spécisme est à ce prix. Pour maintenir le spécisme, tous acceptent l'idée d'une nature animale, et tous, malgré eux, acceptent donc l'idée d'une nature humaine. Et c'est là que commence la gymnastique intellectuelle des antiracistes spécistes.

Photo d'une effigie en carton de cochon souriant devant la vitrine d'une charcuterie.
Les cochons sourient devant les vitrines des charcuteries, montrant bien ainsi que leur rôle, leur vocation intime, leur nature, est de devenir du jambon.

Même principe, même discours: «Je ne suis pas spéciste» et «les animaux ne sont pas inférieurs, ils sont différents». «Être mangés, c'est leur rôle naturel». Le signe de cette nature, c'est qu'ils se mangent entre eux. Ils en sont heureux: les cochons sourient sur les vitrines des charcuteries.

On peut être antiraciste tout en étant sexiste, on peut être antiraciste et antisexiste en étant spéciste. Vous pouvez très bien me dire: «tout ça est vrai, mais pour les animaux, ce n'est pas comparable: car les humains sont égaux, mais les animaux, eux, sont différents».

Et il y en a un paquet, de différences entre l'homme et l'«animal»! C'est qu'on n'a pas lésiné sur les moyens pour les répertorier, comme en témoigne cet aveu tranquille:

Longtemps les moralistes, les philosophes et, plus tard, les chercheurs en sciences humaines ont eu pour souci principal de rejeter toute appartenance de l'Homme au monde des bêtes, ou, pour le moins, de lui trouver une dimension spécifique qui le sorte d'une famille honteuse, d'une promiscuité gênante.

Jean-Marie Bourre, La Diététique du cerveau, éd. Odile Jacob, 2000, p. 109.

Mais les humains aussi sont différents les uns des autres, chacun le sait bien. En disant qu'ils sont égaux, on ne dit qu'une chose: qu'ils sont égaux en nature. Et que les «animaux» en diffèrent, non par le nombre de pattes, mais par leur nature.

«La raison est le propre de l'homme». La «raison» est le signe dominant pour le spéciste, et c'est pour cela – et uniquement pour cela – que je m'attarderai ici sur la question de l'égalité d'intelligence – question qui en fait, avouons-le, me préoccupe fort peu. C'est par contre une question qui a beaucoup agité les spécistes racistes et antiracistes.

Pour certains, l'intelligence est signe de l'âme, et l'âme est la nature des humains. Mais pour les autres, qu'est-ce que la nature des humains?

Qu'est-ce qu'un humain?

La nature des êtres a beaucoup servi à justifier beaucoup de choses: le racisme, la guerre, l'ordre social établi. «Être de droite, c'est penser que l'Homme a une nature immuable» (Le Pen, cité de mémoire). Pour les chrétiens, l'âme vient de Dieu; pour les autres, la nature des êtres vient de Nature, du Dieu Nature que tous adorent et dont les écologistes sont les prêtres. La nature d'un être, ce serait l'«inné», ce qu'avant la naissance Nature a donné.

Les gens de gauche, eux, ne peuvent pas accepter tel quel ce discours sur la nature humaine; ils disent: «l'humain est issu de la nature, mais celle-ci s'est effacée, laissant le champ libre au proprement humain, à l'Histoire, au Culturel, au Social; l'Homme reste un animal, dans ses fonctions animales; dans ses fonctions hautes, telles l'intelligence, il est radicalement autre.»

Ainsi, pour eux, la nature de l'Homme se trouve définie par l'absence de nature; les «animaux», eux, en auraient une – chaque «animal» selon son espèce, donc, avant tout, tous auraient la «nature animale» = la nature d'avoir une nature. Et si cela revient à fonder l'égalité humaine sur l'écrasement des autres animaux, ce n'est pas un hasard; c'est qu'à gauche on est antiraciste, mais surtout pas antispéciste. Une critique réelle de la notion de nature d'un être, vérité profonde et rôle assigné par Nature, cette critique qu'ils se gardent bien de faire minerait le racisme – mais aussi le spécisme.

L'antiraciste spéciste a ce problème: justifier le spécisme, sans justifier le racisme; maintenir l'idée de nature, fondée sur la naissance; l'idée que Nature a donné à l'Homme la plus haute des naissance, la nature d'être libre (rien d'«inné» au-dessus de la ceinture). Aux «animaux» par contre, la nature d'esclaves soumis à l'instinct. Le raciste n'a pas ce problème; le Blanc et le Noir, le chat et la souris, chacun a sa nature, sa place et son rôle dans l'harmonie naturelle et sociale. Le raciste peut, bien plus facilement que l'anti-, faire le paternaliste et militer à la «défense animale», pour un bon traitement des animaux de boucherie.

Au cri de «Nature avec nous», spécistes racistes et anti- débattent sur l'«inné» et l'«acquis», se disputant sur les signes: les humains ont-ils tous la même intelligence? Et surtout: les différences d'intelligence sont-elles innées? La hiérarchie entre humains est-elle voulue par Nature? A la recherche des signes les anciens interprétaient le foie des génisses, les modernes interprètent notre cerveau.

La croyance rend aveugle et ce débat peut durer. Mais pour le non aveugle la réponse est vite vue: 1. les humains ne sont pas plus égaux en intelligence qu'en autre chose; 2. l'intelligence résulte, comme toute caractéristique d'un être vivant, d'une conjonction de causes génétiques et environnementales, et donc les gènes peuvent causer des différences d'intelligence. Les faits sont connus de tous. Et s'ils justifient le racisme, alors le racisme est juste et le spécisme l'est aussi. S'ils ne justifient pas le racisme, alors rien ne justifie ni le racisme, ni le spécisme.

Image de la page d'un livre religieux, faisant une liste de prétendus contrastes entre les humains et les animaux.
Les signes qui montrent la présence de l'âme, d'après l'Abbé Bouvet, dans Premières Notions d'instruction religieuse et Leçons de choses religieuses (cliquer pour agrandir).

Les humains ne sont pas égaux en intelligence

Ce n'est pas que je tienne particulièrement à définir l'intelligence. Si on préfère ne pas en parler en considérant qu'elle ne peut pas se définir, qu'on n'en parle pas, ni pour comparer les humains entre eux, ni pour comparer les humains et les autres animaux. D'un autre côté, on peut bien aussi en parler, sans avoir besoin d'une définition en béton. Je n'ai pas besoin de définition précise de la longueur du cou pour comparer celle des girafes à la mienne. Et pour peu que l'on veuille donner le moindre sens à ce mot, il est clair que certains humains sont plus intelligents que d'autres.

Il existe de nombreux humains handicapés mentaux profonds. On me dira peut-être, pensant les sauver du mépris, qu'ils sont intelligents à leur manière. Mais si on veut dire cela, ce ne peut être avec le sens où le mot «intelligence» est employé dans les débats sur son égalité entre Noirs et Blancs.

Il est difficile de comparer l'intelligence d'un chat et d'un chien, et de même d'un humain handicapé mental et d'un chien; mais il est clair que, quel que soit le critère qu'on voudra prendre, il existe des humains moins intelligents que la plupart des chiens.

Si l'intelligence des humains justifie qu'on ne les traite pas comme des chiens, comment traite-t-on les humains qui sont moins intelligents que les chiens? Mal, assurément, mais moins mal qu'on ne traite les animaux non humains. Les handicapés font un peu trop penser aux «animaux», tout comme cette Blanche avait honte de ressembler à une Noire; mais pour les spécistes, racistes ou anti-, l'intelligence n'est qu'un signe, ce qui importe est la nature: les handicapés, «ce sont quand même des humains». On tiendra pour scandaleuse l'idée même de les découper pour la recherche ou de les abattre pour la bouffe – ce que subissent tous les jours des millions d'autres animaux.

L'existence des humains handicapés mentaux suffit en elle-même à justifier mon intertitre. On me dira que le débat porte sur l'intelligence des Noirs et des Blancs. On oublie facilement les handicapés, «cas marginaux», un peu comme on oublie les non humains: ils ne manifestent pas dans la rue. Mais leur cas est pertinent: si les spécistes racistes et anti- débattent sur l'intelligence des Blancs et des Noirs, c'est que pour eux l'intelligence a un rapport avec le droit au respect; il s'ensuit que pour eux les handicapés n'ont droit qu'au mépris.

Pour les Noirs et les Blancs (ou les Français et les Belges), les choses sont moins claires. On ne peut parler que de moyennes: pour les individus, la question est réglée, puisque dans chaque groupe il y a des handicapés mentaux et d'autres qui ne le sont pas. Mais des moyennes de quoi? Il existe des tests de QI; on peut les contester, construire d'autres critères, mais, sauf hasard improbable, aucun ne donnera la même moyenne chez deux groupes donnés. On pourra peut-être trouver des critères qui donnent aux Noirs une moyenne supérieure aux Blancs, et d'autres l'inverse; mais à moins de décider que le critère précis construit pour donner les mêmes moyennes est par définition «le bon test», on aura toujours ceci: quel que soit le sens du mot, l'intelligence des deux groupes n'est pas égale.

Les gènes provoquent des différences d'intelligence entre humains

Personne ne contestera que la différence d'intelligence entre un chien et un humain n'ait des causes génétiques, et donc qu'il y ait un rapport entre l'intelligence et les gènes; mais c'est entre humains qu'on voudrait que les gènes s'effacent. Pourtant, là encore, on sait le contraire: il y a les «cas marginaux».

De nombreux handicaps mentaux ont une cause génétique. Par exemple, un certain gène fait naître certains humains phénylcétonuriques. Ils deviennent alors handicapés mentaux profonds et meurent jeunes – sauf qu'aujourd'hui on connaît un régime alimentaire faisant qu'ils se développent comme tout le monde. D'où mon affirmation: l'intelligence résulte, comme tout caractère, d'une conjonction de causes, qu'on peut classer, si on veut, en gènes et environnement. Pour les phénylcétonuriques, on connaît un environnement (régime alimentaire) faisant se développer leur intelligence; pour d'autres humains, comme pour les chiens, on n'en connaît pas. Mais en quoi cela change-t-il leur nature? Un phénylcétonurique est-il par nature plus proche d'un humain normal ou d'un chien? Sa nature dépend-elle de ses gènes ou de son régime alimentaire? Ou la nature des êtres n'est-elle pas une chimère?

Et les Blancs et les Noirs? Le génôme influe – nul ne le conteste – sur la pigmentation des Noirs. Un grand nombre de Noirs vivent dans des régions peu ensoleillées, où cette pigmentation peut entraîner une production insuffisante de vitamine D, donc un risque de rachitisme. Il est possible que le rachitisme perturbe le développement de l'intelligence. Auquel cas, certains Noirs sont moins intelligents pour des causes génétiques, et la moyenne d'intelligence des Noirs est abaissée par des causes génétiques.

Il s'agit là d'une hypothèse, et si elle existe, l'influence en question est probablement faible. Un supplément alimentaire de vitamine D la supprimerait. Mais cet exemple encore est pertinent: si on veut démontrer que la différence génétique entre Blancs et Noirs n'a aucune incidence sur leurs moyennes d'intelligence, il faut pouvoir éliminer tout chemin causal menant de leurs différences génétiques à l'intelligence – et c'est cela qui est totalement invraisemblable. En dix minutes je peux en imaginer dix, pour les Blancs et les Noirs ou pour les Français et les Belges. Il faudrait avoir beaucoup confiance en la bonté, en la volonté antiraciste farouche de Mère Nature pour croire qu'aucune de ces raisons ne se vérifie effectivement, ou que, par enchantement, elles se compensent toutes.

L'idée de l'«égalité génétique» des groupes humains est fausse. Et quel intérêt y a-t-il à la défendre? Quel rapport avec le racisme? Le racisme serait-il justifié si d'aventure gènes entraînent pigmentation entraîne manque de vitamine D entraîne rachitisme entraîne moindre intelligence? Le niveau d'intelligence devient-il une nature dès lors qu'il est causée par les gènes?

On me dira que ce n'est pas de cela qu'on parle quand on débat sur l'égalité génétique de l'intelligence. Effectivement; justement! La génétique réelle, celle dont je parle, c'est une cause et une suite de conséquences; celle dont on parle habituellement, c'est la génétique mythique, celle où le gène est notre nature, est notre être, notre vérité, notre essence; notre destin, l'inaltérable, l'irrémédiable, le voulu par Nature. On voit en la génétique la concrétisation «scientifique» de la mystique ancestrale du sang, de la naissance. Cette génétique-là n'existe pas, n'existe que dans l'esprit des racistes, des sexistes, des spécistes, qui tous veulent débattre de savoir si la nature des Noirs est ou non plus animale que celle des Blancs. Ils peuvent bien continuer à débattre là-dessus entre eux pendant des siècles. Les Noirs sont des animaux comme les Blancs. L'intelligence innée n'existe pas. Il n'y a qu'une intelligence réelle, les gènes eux-mêmes ne sont pas intelligents, ils n'ont ni volonté ni intention, malgré les tentatives à peine voilées – spécialité des sociobiologistes – pour leur accorder une âme.

Et alors?

Ils parlent de cette chose dans la tête (...). Quel rapport avec les droits des femmes ou les droits des Noirs? Si ma tasse ne tient qu'une pinte et la vôtre un litre, ne serait-ce pas méchant de votre part de ne pas me permettre de remplir ma petite demi-mesure?

Sojourner Truth, féministe noire, devant une convention féministe aux États-Unis en 1850, citée dans Animal Liberation, P. Singer

Pourquoi donc accorde-t-on tant d'importance à l'intelligence?

Pour son importance réelle, pratique? On justifie l'accent mis sur elle en disant que la force physique, aujourd'hui, n'a plus grande utilité. L'intelligence est censée rendre un individu utile à la communauté, on la récompenserait par la considération sociale.

Ceux qui sont en haut de l'échelle sociale sont-ils les plus utiles à la communauté? Je préfère retourner l'explication: dans une société conflictuelle, l'intelligence est une arme. On a dit que «la libération des opprimés sera l'oeuvre des opprimés eux-même», et malheureusement il y a là du vrai. La libération des Noirs américains doit beaucoup à leur propre action, qui n'aurait pas été s'ils n'avaient que l'intelligence des poules. De même, l'idée que les Noirs sont moins intelligents que les Blancs sert à les démoraliser dans leur lutte pour l'égalité sociale.

Une telle inégalité d'intelligence, qu'elle soit «innée» ou «acquise», serait une mauvaise nouvelle – elle rendrait plus difficile la lutte antiraciste. Mais elle ne la rendrait pas injuste. Notre culture mêle un peu trop force et droit au respect. Les Noirs américains ne sont plus esclaves, les poules le sont encore; l'intelligence des Noirs explique en partie leur libération, ce n'est pas elle qui la justifie.

Dessin «Le judaïsme autorise la consommation de viande» – justifié par le fait que les humains, contrairement à «l'animal», ont la tête plus haute que leurs organes génitaux.
Le signe qui montre qu'on a le droit de les manger, d'après Ch. Szlakmann, dans Le Judaïsme pour débutants, éd. La Découverte, 1985.

L'intelligence permet de «se faire respecter»; mais surtout, elle a un rôle magique: comme principal signe d'humanitude. Les Noirs sont noirs, les bêtes sont bêtes. Et l'humain tient par dessus tout à son rang d'humain. L'énormité de la souffrance et de la misère que les humains infligent aujourd'hui aux autres animaux est connue de tous. Ce n'est que grâce au spécisme que les humains parviennent à la tenir pour sans importance. Il faut que les bêtes soient totalement autres; que nous soyons intelligents. Et le fait même que l'intelligence soit une arme de promotion sociale la désigne comme signe: la société elle-même se définit contre les animaux non humains, et la promotion sociale comme une preuve d'humanitude.

Signes à la pelle

On évoque beaucoup de raisons pour justifier ce que les humains font aux autres animaux; beaucoup trop. Pour leurs inventeurs, la vérité à démontrer est donnée d'avance. Le spéciste les évoque l'une après l'autre; aucune ne tient debout. N'importe; dans notre culture profondément spéciste chacune appelle les autres et y puise son soutien, sans que personne ne soupçonne que l'ensemble tient dans le vide.

Ces raisons ne sont pas des raisons, ce ne sont que des signes. Bien sûr personne ne se fatigue trop à montrer en quoi ils justifient la domination des humains sur les autres. Et peu importe que tous aient le même défaut, celui de ne pas inclure tous les humains, sous peine d'inclure aussi des non humains.

Innombrables sont les signes. Tout caractère peut servir, pourvu qu'il semble «noble» et propre aux humains. L'outil était «le propre de l'Homme», jusqu'à la découverte d'un oiseau qui en utilise aussi. Comme il possédait le propre de l'Homme, on a déclaré que la vie de cet oiseau était sacrée comme celle d'un humain. Non, bien sûr, je plaisante! On aura compris. En mangeant l'oiseau, on a dit: seuls les humains fabriquent des outils. Mais certains chimpanzés en fabriquent aussi, et ce filon tombe à l'eau.

Autre filon: le langage. On a dit que les animaux n'avaient pas de langage, mais, comme les chiens savent hurler, on a précisé: langage articulé. Depuis, on a appris à certains singes le langage gestuel des sourd-muets humains, avec syntaxe et tout ça (ils sont moins doués que nous, mais le principe y est), et on a abandonné aussi ce filon-là (on a évité de préciser langage sonore, car les sourds-muets, contrairement aux autistes, savent se défendre eux-mêmes).

Et comment l'absence de langage justifie-t-elle le massacre? On m'a expliqué que si un être ne peut pas dire qu'il souffre, on ne peut pas le savoir. Pourtant, tous les mammifères montrent les mêmes signes de souffrance que les humains; ce serait étonnant que des phénomènes aussi semblables n'aient pas la même cause. Peu de sciences seraient possibles si l'on exigeait que leur objet soit doué de parole. Aussi: «Si un être ne peut conceptualiser sa souffrance, celle-ci n'existe pas, elle est purement physique.» Les féministes ont bien montré que pendant des siècles, les femmes ont souffert en silence, parce que les concepts pour exprimer ce qu'elles ressentaient manquaient. Un pas décisif dans leur libération a été de réussir à forger ces concepts pour dire et penser ce qu'elles vivaient. Avant cela, leur souffrance était-elle «purement physique»?

Critères suivants: «l'animal sait, l'homme sait qu'il sait» (Teilhard de Chardin); «l'animal n'a pas la conscience de soi»; «les humains seuls ont une personnalité unique». Faux, flou, ou les deux, rien de ça ne résiste à l'examen scientifique le plus simple. Et de toutes façons, ça changerait quoi? Est-ce savoir qu'on sait ou la «conscience de soi» ou la «personnalité» qui donne sa valeur à la vie? Ce sont ces «je ne sais quoi» – ces natures – qui justifient les massacres, des poules comme des Juifs.

Il y a aussi «l'instinct animal» opposé à «la raison humaine». Cette façon de poser le problème témoigne surtout de l'ignorance crasse que les humains ont des autres animaux, de leur connaissance faite de stéréotypes remâchés. Les racistes aussi en général ne savent rien de ceux qu'ils méprisent; mais les fables racistes et spécistes ne sont que cela: des fables, des façons de dire l'indicible, la nature.

Une idée comme une autre

Il serait très possible d'élever des enfants humains dès la naissance dans un isolement relationnel et sensoriel tel qu'ils ne développeraient aucune des si nobles qualités «proprement humaines». Élevés dans ces conditions, équivalentes à celles que souffrent les veaux, ils pourraient alors subir le même sort, «parce qu'ils ont été faits pour ça» («n'ont jamais connu autre chose»). En quoi devrait-on se soucier du sort de tels êtres asociaux incapables de parler, d'utiliser des outils, sans liens affectifs et qui ne savent même pas qu'ils savent? Si vous trouvez cela scandaleux, je suis d'accord avec vous; mais si vous ne trouvez pas tout aussi scandaleux ce qu'on fait aux veaux, alors vous êtes spéciste. Vous ne voulez pas que l'on fasse cela aux humains, parce qu'ils sont de votre espèce. Quels arguments pourrez vous alors tenir sérieusement contre un raciste, qui, lui, refuserait que l'on fasse ça à ceux de sa race?

Les natures cachent le réel

En quoi devrait-on se soucier du sort d'un être quelconque? Qu'est-ce qui importe pour dire si on doit s'abstenir de lui faire du mal?

Rien, si on veut. On peut, si on veut, tuer et torturer qui on veut. On peut décider de ne torturer que les Noirs ou les droitiers, si on veut. On peut décider de se torturer soi-même; mais cela, on le fait rarement. Pourquoi? parce que ça fait souffrir, ça va à l'encontre de ses propres intérêts.

Éviter de faire mal à autrui, c'est décider d'étendre la considération que l'on a pour ses propres intérêts à ceux d'autrui. L'éthique, ce n'est pas autre chose. Et qu'est-ce qui doit déterminer de qui on prendra en compte les intérêts? Des Blancs seulement? Pourquoi des Blancs? Des êtres intelligents seulement? Ou sociaux? Quand on prend en compte ses propres intérêts, on ne se demande pas si on est intelligent ou social. Cela n'a rien à voir avec le problème. Avoir mal ça fait mal, qu'on soit social ou non.

À chaque chose réelle ses conséquences réelles. L'intelligence d'un être importe pour bien des choses, mais n'a aucun rapport avec le fait que c'est grave ou non de lui faire mal. Alors, qu'est-ce qui importe pour cela?

À chaque chose réelle ses conséquences réelles. Au fait qu'un être puisse avoir mal sa conséquence: éviter de lui faire mal. Ceci indépendamment de toute autre caractéristique de cet être. L'éthique non raciste, non sexiste, non spéciste, c'est celle-là.

Si un être est sensible, peut souffrir ou jouir, sa souffrance et sa jouissance ont la même importance que celle de tout autre. Toute différence d'importance attribuée aux intérêts de deux êtres est nécessairement arbitraire puisque fondée sur quelque chose sans rapport avec la raison pour laquelle on prend en compte ces intérêts, car cette raison est tout simplement leur existence.

La souffrance, c'est la souffrance, le plaisir, c'est le plaisir: c'est là la seule égalité qui m'importe. Si les pierres peuvent souffrir ou jouir, nous devons prendre en compte leur intérêt à ne pas souffrir et à éprouver le bonheur – que chaque pierre ait ou non une «personnalité unique». Si les pierres ne peuvent souffrir et jouir, comme c'est très probablement le cas, il n'y a rien à prendre en compte.

En pratique, que faire? A nous qui ne mangeons pas de viande, on reproche souvent avec un sourire narquois de mépriser les plantes; mais ceux qui si brusquement exhibent leur sympathie pour les plantes en mangent dix fois plus que nous, à travers les animaux qu'ils font élever dans une vie de misère et tuer. N'importe; nous ne méprisons ni les plantes ni les pierres. Le mépris est une attitude raciste en elle-même. Le mépris juge inférieure la nature d'un être; moi, m'importe le réel. Le caractère sensible ou non d'un être est un caractère réel. Il m'importe donc de savoir: qui le possède, qui peut souffrir?

Comment savoir si les plantes ou les pierres peuvent souffrir? C'est une question difficile à résoudre dans l'absolu, mais dans la pratique il est facile d'aboutir à des conclusions simples. J'y viendrai dans le prochain IRL, mais tout esprit non spéciste sera déjà d'accord avec moi sur ceci: la capacité à souffrir des oiseaux, poissons et mammifères non humains est aussi vraisemblable et assurée que celle des humains. Ceci détermine la première et la plus simple conséquence: cesser de les manger.

1. Traduction française La Libération animale annoncée chez Grasset, mars 1993.