Commentaire

Par Estiva Reus

Commentaire mis le le 6 juillet 2005 sur le texte de blog Sur Colin McGinn, The Mysterious Flame.

J'ai lu The Mysterious Flame par petits bouts très espacés dans le temps, le plus souvent dans des salles d'attente. Je l'ai fini il y a trois semaines.

C'est un livre court et clair, fait d'hypothèses dont on comprend généralement bien ce qu'elles signifient, même si l'auteur n'offre pas de véritable démonstration à l'appui.

Je pourrais, en le relisant, en faire un résumé ou - en me fatiguant un peu plus à réfléchir - faire comme David dans son blog: mentionner la thèse centrale (qui est en gros: c'est pas que la conscience soit qqch de compliqué, c'est pas qu'elle soit ailleurs que dans la réalité physique, c'est qu'on a un cerveau qui n'est pas profilé pour la comprendre) + porter un jugement sur quelques aspects de son livre au regard de mes propres préoccupations.

Mais je vais plutôt profiter de ce que le risque est faible qu'il y ait des lecteurs assez motivés pour consulter la rubrique «commentaires» d'un blog pour faire quelque chose d'informe, ni synthèse ni commentaire, ni garantie de fidélité à ce que dit l'auteur (je fais exprès de ne pas aller vérifier).

Je me rends compte que de temps en temps me reviennent des bribes de ce que McGinn raconte (peut-être transformées à ma sauce). J'ai mémorisé davantage que ces bribes, mais celles-là sont des îlots qui reviennent plus souvent que les autres danser dans la tête. C'est tout ce que je peux en dire, pas affirmer que c'est juste ou faux. Juste ça: qu'elles ont quelque chose qui fait que j'y pense de temps en temps.

Les ilôts qui brillent c'est ça:

1. La pensée, les sentiments sont des réalités non spatiales. C'est un aspect de ce qui nous rend inintelligible le phénomène de la conscience (nous ne comprenons bien que les choses localisées dans l'espace. Il y a dans la réalité une dimension non spatiale qui nous échappe. (Je crois que c'est là que McGinn imagine - pure spéculation - que ce quelque chose non spatial aurait pu exister avant le Big Bang et s'être maintenu sous une forme transformée après l'apparition de la matière).

2. Nous ne comprenons pas la mort. Nous comprenons la destruction d'un objet spatial (le corps qui se désintègre), mais nous ne comprenons pas en quoi consiste la destruction de la conscience.

3. Les gènes «connaissent» le secret de la conscience. «Connaissent» entre guillemets car les gènes ne savent rien, ils ne sont pas des êtres conscients. Mais ce sont les gènes qui pilotent le développement qui fait passer d'un oeuf (ovule) fécondé à un animal sensible. Et quelque part au cours de ce développement, l'être en croissance passe du stade inconscient au stade conscient. En ce sens, les gènes «connaissent» le secret, le code qui permet de rendre conscient un objet inanimé.

4. Quand on parle de choses «immatérielles», dans les thèses où il y a un monde matériel et un monde de l'esprit, et qu'ensuite on cherche à expliquer comment le monde immatériel se connecte sur le monde matériel, la représentation qu'on a en réalité de ce monde immatériel, c'est un monde «gazeux» par opposition au monde matériel «solide». (Ca c'est un détail, pas une idée centrale chez McGinn, et il se peut que je me trompe sur le contexte où il parle de cette fausse immatérialité gazeuse, mais j'ai trouvé ça marrant).

5. Les trois choses suivantes sont liées:

- (a) notre incapacité comprendre la conscience (ou à résoudre le problème matière-esprit)

- (b) notre incapacité à comprendre certaines formes de causalité [nous naviguons péniblement entre les thèses du déterminisme et du libre-arbitre sans nous en sortir, et ce serait l'indice qu'il y a quelque chose que nous n'arrivons pas à capter concernant la causalité, du moins quand des pensées ou sentiments jouent un rôle dans une chaîne causale]

- (c) notre incapacité à comprendre le soi (self) ou en quoi consiste l'identité individuelle dans le temps. [Nous attribuons de façon immédiate nos sentiment à un «je» durable, mais nous ne savons pas du tout dire en quoi il consiste, alors que nous changeons au cours du temps, ou qu'on reste «je» quand on ampute des parties non vitales de notre corps, ou que le «je» semble s'évanouir en cas d'amnésie même si le corps reste intact...]

David trouve que c'est une faiblesse de McGinn de postuler que la permanence du soi a un sens (point c), qu'elle correspond à une certaine réalité (que nous n'arrivons pas à saisir). David pense, je crois, que c'est tout simplement une idée fausse.

Il se peut que j'aurais dit la même chose il y a deux ans du libre-arbitre (point b).

Dans les deux cas, on élimine le problème en disant qu'un des deux termes est faux (le libre-arbitre, la permanence du soi dans le temps).

Je continue à trouver le libre-arbitre inintelligible (impossibilité à le définir d'une façon qui ait un sens). Mais «inintelligible», «défini de façon non recevable», c'est pas la même chose que «faux». Et je trouve intéressante l'hypothèse que cette notion renvoie (mal) à quelque chose qui existe mais que nous ne saisissons pas bien, parce que nous n'avons pas la compréhension de certaines formes de causalité.

Il y a un voisinage entre cette question et celle de la permanence du soi: on peut arguer de façon convaincante qu'on peut se passer du soi durable pour expliquer (de l'extérieur) comment les événements s'enchaînent, de la même façon qu'on explique (de l'extérieur) de façon plus convaincante comment les événements s'enchaînent en étant déterministe.

On peut arguer qu'introduire le soi durable dans le temps, ou le libre-arbitre, conduit au contraire à des explications douteuses contenant des éléments obscurs, indéfinissables, illogiques...

Il n'empêche que quand nous ne sommes pas observateurs mais acteurs, il semble que nous nous comportions comme si nous croyions forcément:

— qu'il y a continuité du moi dans le temps

— que l'action que nous allons entreprendre n'est pas déjà déterminée par l'état présent du monde.

Je ne sais pas aller plus loin. Mais je trouve vraisemblable que les difficultés (a) (b) (c) soient liées.

Sur la question de savoir si, comme le pense McGinn, nous sommes congénitalement incapables de les résoudre, je n'ai pas d'opinion.

Estiva