L'animalisme, dit-on, est orpheline de la gauche1. Pire, à mon avis: ce qu'on appelle la gauche est incapable de prendre au sérieux la question animale, pour des raisons structurelles.
Parce que le messianisme révolutionnaire qui l'imprègne est incapable d'envisager le long terme, alors que la question animale l'exige justement cela. J'ai défendu l'abandon de la notion de révolution dans une conférence aux Estivales de la question animale 2006 intitulée «L'antispécisme est-il révolutionnaire?» et où j'introduis l'idée d'un progressisme ambitieux, idée que j'ai reprise en 2015 dans une interview intitulée «Refonder le progressisme».
Le problème entre l'animalisme et cette gauche, insiste-t-on toujours, viendrait du manque d'efforts de la part des militante animalistes pour se rapprocher des autres luttes. J'ai argumenté dans une autre conférence aux Estivales en 2018, intitulée «D'une convergence des luttes à l'autre», que c'était plutôt à ces autres luttes de se rapprocher de l'antispécisme, tant dans leur propre intérêt et crédibilité que pour être compatibles avec le mouvement animaliste. J'y ai pointé en particulier 9 points d'incompatibilité qui impliquent des changements profonds dans les visions traditionnelles de la «gauche», pour fonder un réel mouvement progressiste.
Un de ces points d'incompatibilité concerne la notion d'égalité, essentialiste, dont ces mouvements se revendiquent. J'ai argumenté que cette notion doit être abandonnée; mes efforts sur ce sujet sont regroupés sur la page «l'égalité n'existe pas».
1. Will Kymlicka, «Pourquoi les animalistes sont-ils toujours les orphelins de la gauche? Le suprémacisme humain en question», revue en ligne L'Amorce, 21 juin 2019.