D'une convergence des luttes à l'autre

Par David Olivier Whittier

Lors des Estivales de la question animale 2018 j'ai donné une conférence sur la question de ce qu'on appelle la «convergence des luttes» – c'est-à-dire, l'alliance entre l'antispécisme, l'antiracisme, l'antisexisme et diverses autres luttes contre des oppressions. Mon point de vue est différent de celui que promeuvent la plupart des personnes qui utilsent ce terme. Voici le résumé que j'en avais fait:

On parle toujours de convergence des luttes, mais concrètement ce qu'on veut dire par là est que l'antispécisme doit se rendre plus compatible avec les luttes antiracistes, antisexistes, LGBTI, contre les injustices économiques, etc. et doit parvenir à s'exprimer dans leurs termes, doit éviter de les froisser. On parle rarement de convergence dans l'autre sens.

J'argumenterai que telles qu'elles sont habituellement conçues, ces autres luttes sont difficilement compatibles avec l'antispécisme, sauf en imposant à celui-ci de nombreuses contorsions. La convergence doit se faire, mais largement dans l'autre sens, ce qui est rarement envisagé.

L'enregistrement de la conférence est disponible sur Youtube (2h36). Ci-dessous je mets les diapositives utilisées, ainsi que des liens vers un certain nombre d'extraits vidéo particuliers et quelques transcriptions, sous les diapositives correspondantes.

Le débat qui a suivi la conférence est également disponible (2h09).

La diapositive 21 liste les 9 points d'incompatibilité que j'ai repérés entre l'antispécisme et les luttes de justice humaine telles qu'elles sont actuellement menées, et la suite de la conférence explicite ces points en détail.

Certains passages ont été transcrits; pour voir la transcription, cliquer ou passer sur la pastille sous la diapositive concernée.

Sommaire

Introduction

Diapositive n°01.
1.

Sujet polémique

Repère vidéo 1:23; extrait vidéo (10m58s).

Diapositive n°02.
2.

 

Diapositive n°03.
3.

Animalisme et «politique humano-humaine»

Repère vidéo 12:21; extrait vidéo (3m38s).

Diapositive n°04.
4.

«La lutte animaliste est progressiste en soi»; extrait vidéo (3m09s).

Diapositive n°05.
5.

La logique qui amène à dire que la souffrance d'un cochon vaut autant que celle d'un humain est la même que celle qui amène à dire que la souffrance de deux humains a autant d'importance. L'implication est que l'animalisme est en soi de gauche, en soi progressiste. Elle n'est pas progressiste parce que l'animalisme ferait alliance, par exemple, avec l'antiracisme. Souvent on dit que la preuve que l'animalisme est progressiste est que les animalistes s'allient avec les antiracistes, sont antiracistes, etc. D'accord; mais on ne dira jamais que l'antiracisme est progressiste parce que les antiracistes s'allient avec les antisexistes. Non; l'antiracisme est progressiste en soi, est pour un progrès de la justice en soi. L'animalisme est pour un progrès de la justice en soi, la libération des animaux est en soi un progrès. Il n'y a pas besoin de se dédouaner en ajoutant autre chose.

Souvent, je prends l'exemple de Brigitte Bardot. Elle est copine avec Le Pen. Mais Bardot est de gauche, et même d'extrême-gauche, concernant les animaux non humains. Elle est incohérente, en ce sens que par ailleurs elle est de droite sur d'autres sujets. Mais concernant les animaux non humains, elle va jusqu'à refuser de les manger, ce qui dans la société d'aujourd'hui est une position d'extrême-gauche, d'extrême progressisme. C'est en contradiction, de fait, avec ses positions sur d'autres sujets, mais ça n'est pas annulé par ses positions sur d'autres sujets.

Donc: c'est une erreur fondamentale de dire que l'animalisme se fiche de la politique. Aussi parce que c'est la politique humaine qui va finir par déterminer si on libère les animaux ou pas. Le traitement des animaux est dans le champ politique.

Diapositive n°06.
6.

Et la position qui se veut contraire, qui dit que l'animalisme doit se prononcer contre le racisme, le sexisme, etc., et donc qu'il faut exclure de l'animalisme les personnes qui ne sont pas contre toutes les dominations, c'est un peu comme si on disait qu'il faut exclure de la lutte antiraciste les noirs qui ne sont pas aussi antisexistes. On peut regretter qu'il y ait des noirs qui soient sexistes, mais ils ont quand même la légitimité à être antiracistes. Je regrette que Brigitte Bardot soit raciste, mais ça ne m'autorise pas à nier la réalité, qui est qu'elle est animaliste. Ce serait une position d'exclusion des personnes qui ne sont pas comme il faut dans tous les domaines.

Qui je suis

Repère vidéo 16:57; extrait vidéo (3m13s).

Diapositive n°07.
7.

«Convergence des luttes»?

Repère vidéo 20:07; extrait vidéo (3m40s).

Diapositive n°08.
8.

 

Diapositive n°09.
9.

L'intersectionnalisme

Repère vidéo 23:44; extrait vidéo (21m43s).

Diapositive n°10.
10.

 

Diapositive n°11.
11.

 

Diapositive n°12.
12.

 

Diapositive n°13.
13.

 

Diapositive n°14.
14.

L'hégémonie de l'approche intersectionnaliste

Repère vidéo 45:23; extrait vidéo (10m59s).

Diapositive n°15.
15.

 

Diapositive n°16.
16.

 

Diapositive n°17.
17.

L'alternative que je propose

Repère vidéo 56:27; extrait vidéo (1m6s).

Diapositive n°18.
18.

 

Diapositive n°19.
19.

Points d'incompatibilité

Repère vidéo 57:26; extrait vidéo (3m43s).

Diapositive n°20.
20.

J'ai détaillé neuf points différents d'incompatibilité entre les luttes antiracistes, etc., telles que ces luttes sont actuellement conçues, et l'antispécisme. Pour chaque point j'espère mettre en lumière pourquoi il y a incompatibilité, avec la manière dont ces luttes sont actuellement conçues, et pourquoi ces luttes feraient bien de changer sur ces points-là, y compris dans leur propre intérêt. Ces critiques seraient donc valables même s'il n'existait pas les animaux; elles sont salutaires pour ces luttes elles-mêmes. Il s'agit de conditions pour arriver à un véritable mouvement progressiste.

Diapositive n°21.
21.

1. Un vrai antinaturalisme. J'aborderai des choses qui ont été pas mal dites par Pierre hier.

2. Un égalitarisme non essentialiste. Je pense que la manière dont on conçoit l'égalité aujourd'hui a de gros défauts.

3. La justice est la tâche de tous les agents moraux: ça veut dire que ce ne sont pas que les personnes “concernées” par une lutte qui ont le droit d'en dire quelque chose.

4. Notre arme principale, c'est la liberté de débat et de réflexion.

5. En particulier, la critique des visions religieuses, qui est devenue un tabou aujourd'hui. À une époque, la gauche était clairement critique des visions religieuses, en particulier du christianisme, puisque c'est ce qui est dominant aujourd'hui. Aujourd'hui, à gauche, parce qu'il y a les musulmans, et que ceus-ci sont, à juste titre, vus comme une catégorie opprimée, du moins en France et dans les pays comme le nôtre, c'est devenu un tabou de critiquer en particulier l'islam.

6. Centralité du progrès collectif et non de la vertu indivuelle: cette critique concerne aussi directement le mouvement animaliste, qui tend souvent à se centrer sur la question de la vertu personnelle, du végane qui n'a pas mangé un microgramme de produit animal.

7. Sortir de la perspective révolutionnaire. J'en ai déjà parlé et je préciserai un peu.

8. Il n'y a pas que l'oppression systémique qui fasse mal, c'est-à-dire que notre critère ne doit pas être le caractère systémique d'une souffrance; je pense même que “systémique” est un terme qui ne veut pas dire grand chose.

9. La non-haine, que je ne développerai pas beaucoup; j'avais fait une autre conférence sur le sujet, là j'étais un peu fatigué et je pense que vous le serez aussi. Il s'agit de s'opposer à la tendance des SJW en particulier à se montrer souvent d'une férocité... et pas que des SJW, c'est une tradition dans la gauche, très enracinée, de haine du capitalisme, de l'ennemi, du fasciste, qu'on traite de rat, etc.

1. Un vrai antinaturalisme

Repère vidéo 1:01:06; extrait vidéo (20m09s).

Diapositive n°22.
22.

 

Diapositive n°23.
23.

 

Diapositive n°24.
24.

 

Diapositive n°25.
25.

 

Diapositive n°26.
26.

 

Diapositive n°27.
27.

 

Diapositive n°28.
28.

 

Diapositive n°29.
29.

2. Une égalité non essentialiste

Repère vidéo 1:21:14; extrait vidéo (12m20s).

Diapositive n°30.
30.

 

Diapositive n°31.
31.

 

Diapositive n°32.
32.

 

Diapositive n°33.
33.

 

Diapositive n°34.
34.

 

Diapositive n°35.
35.

 

Diapositive n°36.
36.

3. La justice est la tâche de tous les agents moraux

Repère vidéo 1:33:30; extrait vidéo (8m33s).

Diapositive n°37.
37.

 

Diapositive n°38.
38.

 

Diapositive n°39.
39.

 

Diapositive n°40.
40.

 

Diapositive n°41.
41.

 

Diapositive n°42.
42.

 

Diapositive n°43.
43.

4. Le libre débat est notre arme la plus forte

Repère vidéo 1:42:00; extrait vidéo (13m14s).

Diapositive n°44.
44.

 

Diapositive n°45.
45.

 

Diapositive n°46.
46.

 

Diapositive n°47.
47.

 

Diapositive n°48.
48.

5. S'autoriser la critique des perspectives religieuses

Repère vidéo 1:55:13; extrait vidéo (4m19s).

Diapositive n°49.
49.

L'intersectionnalisme lutte contre l'islamophobie. Pour moi c'est ambigu: l'islamophobie a plusieurs sens et je suis d'accord dans certains sens mais pas dans d'autres. «Les croyances religieuses sont de l'ordre du privé»: je pense que c'est une absurdité. C'est comme ça que qu'on veut défendre l'Islam, en disant que c'est de l'ordre du privé.

En réalité les croyances religieuses sont des opinions et concernent la nature du monde, et savoir s'il y a un dieu ou pas change notre manière d'envisager le monde. Elles ne sont pas plus de l'ordre du privé que n'importe quelle opinion similaire. Je pourrais dire que l'homophobie c'est de l'ordre du privé! À ce compte-là, pourquoi pas? Ces opinions ont des conséquences dans le positionnement politique. On l'a très bien vu lors des «manif pour tous» et ces trucs-là; elles étaient fondées sur vision qui était explicitement religieuse du monde et prétendaient lutter contre un changement, social, politique, etc.

Je pense qu'elles avaient légitimité à le vouloir. Je pense qu'elles avaient tort dans le fond, mais qu'elles avaient légitimité à le vouloir; il n'y a aucune raison de dire que les religions ne doivent s'occuper que de la sphère privée.

Diapositive n°50.
50.

Je pense qu'elles ont tort sur le fond parce qu'elles ont une vision fausse du monde, mais cette vision fausse du monde se démontre par l'argumentation.

Je pense que ces visions religieuses sont nuisibles parce qu'elles impliquent une soumission au Créateur et une approbation de son Ordre, qui sont des choses imaginaires. Et chez les gens elles impliquent une pensée profondément réactionnaire. Elles sont incompatibles avec l'antispécisme bien évidemment; enfin je dis «bien évidemment» bien que il y ait des contradictions à ce niveau-là. Elles sont incompatibles avec le progressisme en général.

Et parce que je pense que la réalité n'est pas d'un seul tenant et souvent complexe et je note que malgré ce que j'en dis là il y a une forte inspiration religieuse chez beaucoup de personnes qui ont lutté pour des causes progressistes, comme Sojourner Truth, Martin Luther King qui était pasteur, Rosa Parks qui était très inspirée par la religion, etc.

Diapositive n°51.
51.

Ce que ce que je dis est donc en tension avec ce fait-là, mais je pense quand même que la critique de la religion est une chose importante et doit se faire sans sans retenue.

Mais on doit s'abstenir de toute brimade. Aujourd'hui par exemple quand on veut interdire le burkini sur les plages c'est de l'ordre de la brimade, pas de la de la lutte sur le fond contre les idées véhiculées par la religion en question. C'est de l'ordre simplement de la brimade pour inférioriser les personnes, et c'est ça l'islamophobie qu'il est juste de combattre: c'est l'attaque, le mépris et la brimade contre la liberté d'exprimer sa religion. Je pense que qu'on n'a pas à limiter le droit d'exprimer publiquement sa religion comme n'importe quel opinion, même si je suis pour d'un autre côté apporter la contradiction à ses idées-là.

On doit pas non plus se limiter arbitrairement à la critique de l'islam. Parce que l'islam est une religion qui a beaucoup de défauts qu'on met souvent en avant aujourd'hui, mais en particulier le christianisme a exactement les mêmes défauts qui sont moins apparents aujourd'hui parce qu'il a été, disons, domestiqué, c'est à dire qu'on a on a combattu l'influence du christianisme dans la société mais que le christianisme intrinsèquement et pour les mêmes raisons a la même intolérance que l'Islam.

6. La centralité du progrès collectif

Repère vidéo 1:59:30; extrait vidéo (8m20s).

Diapositive n°52.
52.

 

Diapositive n°53.
53.

 

Diapositive n°54.
54.

 

Diapositive n°55.
55.

7. Sortir de la perspective révolutionnaire

Repère vidéo 2:07:52; extrait vidéo (14m00s).

Diapositive n°56.
56.

 

Diapositive n°57.
57.

 

Diapositive n°58.
58.

 

Diapositive n°59.
59.

8. Il n'y a pas que l'oppression «systémique» qui fasse problème

Repère vidéo 2:21:50; extrait vidéo (10m57s).

Diapositive n°60.
60.

9. La non-haine

Repère vidéo 2:24:04; extrait vidéo (10m57s).

Diapositive n°61.
61.

Je pense qu'on a ici un sujet d'une très grande importance: la non-haine.

En deux clics, j'ai trouvé sur internet cette affiche; ce slogan est partout, sur les murs dans mon quartier: pas de fascistes dans le quartier, pas de quartier pour les fascistes. Avec un gars qui a le visage masqué – on voit aussi le virilisme qui est derrière ce genre de positionnement par la Fédération anarchiste. C'est quelque chose qu'on trouve très souvent, ce genre d'encouragement à la haine des gens en face.

Littéralement, «pas de fascistes dans le quartier»: ils vont aller où? À la campagne? Ou alors, on va les tuer? Ou alors on va les convaincre de ne plus être fascistes? [Dans la salle: «On va les éduquer!»] D'accord, on va les éduquer, mais je ne pense pas que ce monsieur soit en train d'éduquer les fascistes. «Pas de quartier pour les fascistes», c'est encore plus explicite. Évidemment, il y a un jeu de mots, mais «pas de quartier» veut dire qu'on ne fait pas de prisonniers. Si je prends un fasciste, même si je l'ai neutralisé, je vais lui couper la tête. Je ne pense pas qu'ils le fassent réellement, ça se saurait, mais l'idée est qu'on n'a pas à avoir de pitié, et que les fascistes méritent de souffrir.

Diapositive n°62.
62.

Il y a eu des débats sur la non-violence dans le milieu récemment. L'idée revient toujours que les gens qui critiquent la violence ont une vision angéliste des choses et pensent qu'il suffit de sourire aux gens en face, aux carnistes pour qu'ils arrêtent de manger de la viande... Non, ce n'est pas ça. La violence, parfois il en faut. On est parfois amenés à se défendre, ou à attaquer. Mais l'alternative souvent affichée est entre non-violence et violence envers «ces salauds». C'est-à-dire qu'on pense que pour exercer une violence, il y a besoin de considérer que la personne en face le mérite. Alors qu'en réalité aucun être sentient ne mérite de souffrir ou d'être tué.

Diapositive n°63.
63.

S'il y a un islamiste qui vient ici avec une kalashnikov pour tuer les gens, je suis content qu'on arrive à le neutraliser d'une balle dans la tête. Je pense qu'on doit le faire. Mais pas parce qu'il mérite de mourir, seulement parce que c'est nécessaire. Je n'ai pas besoin de haïr ce terroriste, qui est peut-être un gars qui est né dans un quartier, qui a eu une vie de merde, et dont on peut bien comprendre pourquoi il est devenu terroriste. Je n'ai pas besoin de haïr. Il faut le neutraliser, l'empêcher d'agir. J'ai été très content quand on a réussi à combattre et pratiquement à éliminer sur le terrain Daesh, en Syrie et en Irak. En même temps, je sais que les victimes, je ne leur souhaitais pas de mourir. Je souhaitais qu'elles meurent, parce que c'était forcé. Il n'y a pas besoin de penser que la personne en face mérite de mourir. Le monde est ainsi fait: malheureusement, il y a parfois besoin d'exercer une violence pour faire progresser le monde.

Ça me fait penser au réflexe que les gens ont souvent, et qui est rapporté dans des études sur l'abattage des animaux à une époque. Les animaux qu'on amène, le cochon avec qui on a vécu, au moment où on l'amène à l'abattoir, on se met à lui donner des coups de pieds en le traitant de salaud et à essayer de lui trouver plein de défauts pour considérer que le cochon mérite de mourir. On a décidé de le tuer, donc il faut considérer qu'il mérite de mourir. Eh bien non! Bien sûr, dans ce cas, on n'était pas obligé de le tuer, mais dans le cas où on est obligés de tuer, il faut constater le mal nécessaire qui est à faire. Donc je ne suis pas pour une non-violence, mais pour une violence, éventuelle, mais sans haine.

Diapositive n°64.
64.

Ce que ça implique est que la violence ne doit jamais être punitive. Elle doit être minimale. C'est-à-dire que le fasciste, si on a réussi à le neutraliser, eh bien on en fait un prisonnier, on ne le tue pas. On l'a neutralisé, et on ne considère pas qu'il mérite de mourir. On n'incite pas à la haine envers le fasciste. Ça veut dire aussi que les gens d'en face – peut-être pas avec des caresses, mais il y a un certain nombre de gens, de récits qu'on trouve sur internet, de personnes qui étaient des suprémacistes blancs et qui racontent «ma vie chez les suprémacistes blancs», et qui maintenant avec leur copain noir font de l'éducation populaire contre le racisme. Je ne dis pas que j'ai la recette pour faire ça, mais le fait est que les gens peuvent changer; s'ils ne peuvent pas changer, il faut voir ce qu'il faut faire, mais on n'a pas à avoir la haine contre ces personnes. Les gens qui étaient suprémacistes blancs et ne le sont plus, ils n'ont pas changé d'essence. Il y a un essentialisme dans cette idée que les gens d'en face méritent de mourir.

Et par rapport à la question animale, ça ne marche pas. Parce que les gens qui mangent de la viande, on ne va pas les exterminer en disant que ce sont les derniers des salauds. On ne peut pas dire «pas de quartier pour les mangeurs de viande», on n'arrivera à rien comme ça. Comme on s'en rend compte, on entend dire que les mangeurs de viande, c'est parce qu'ils n'ont pas compris que les lapins, c'est des lapins. Que la viande qu'ils ont dans l'assiette, c'est de l'animal mort. Mais il faut être débile pour dire ça! Comment peut-on penser que les gens n'ont pas compris que la viande c'est de la viande? Le fait que c'est de l'animal mort, ça s'apprend dès la crèche! Tout ça pour arriver à éviter de dire qu'il faut exterminer les mangeurs de viande! En fait, c'est beaucoup plus simple. Les mangeurs de viande commettent des actes qui sont gravement contraires à l'éthique; mais il ne méritent pas de mourir. Ils méritent de changer. Ils méritent éventuellement qu'on leur interdise de nuire.

Il y a les gens qui se réjouissent quand un torero se fait tuer dans l'arène. Peut-être que si un torero meurt dans l'arène ça signifie qu'il y aura moins de corridas, peut-être qu'il faut se réjouir; je suis prêt à me réjouir de la mort du torero si réellement ça change le sort d'un taureau. Mais ces personnes ne se réjouissent pas dans ce sens; ils disent «j'espère qu'il a souffert». On a une extraordinaire charge de haine dans les milieux radicaux. Là, je ne critique pas que les intersectionnels, bien que ceux-ci donnent vraiment dans ce défaut.

Diapositive n°65.
65.

L'animalisme par nature devrait accepter de tenir compte des intérêts de tous les êtres sentients; l'animalisme devrait accepter de voir les problèmes de comportement des humains comme des problèmes de comportement d'animaux. Nous ne sommes pas des êtres parfaits; nous sommes des êtres évolués, et nous cherchons à évoluer. Personne ne dira «ce chat a torturé une souris, quel salopard! Il mérite de mourir!». De la même façon, les humains qui torturent les animaux, non, ils ne méritent pas de mourir. Il faut qu'on essaye de les changer. L'animalisme peut beaucoup apporter là-dedans. L'animalisme est une occasion pour changer notre regard sur les êtres humains dont le comportement n'est pas éthique, et apprendre la manière de changer le monde sous ce rapport. La non-haine: on a souvent l'alternative entre la violence envers «ces salauds» et la non-violence, alors que je ne suis pas pour la non-violence, mais je suis pour la non-haine. la violence est parfois nécessaire, mais ne doit jamais être punitive.

Et nous devons constamment chercher les compromis gagnant-gagnant. Par exemple, je pense que c'est important que les éleveurs, quand la viande aura été abolie, qu'on trouve moyen pour que ces éleveurs ne crèvent pas sur le trottoir. Qu'on considère que ce n'est pas parce qu'ils étaient éleveurs que ce sont des salauds qui méritent de se retrouver au chômage et à la rue.

J'ai ajouté une diapo sur l'exigence de cohérence, mais je trace. La haine pour les «méchants» est née d'une conception extraordinairement exigeante des humains, «êtres de raison» doués de libre-arbitre; donc c'est une conception qui place les humains complètement à part des autres animaux, avec un regard complètement différent porté sur les humains et sur les autres animaux, qui sont des êtres de nature soumis à l'instinct. L'animalisme est une occasion formidable de reposer entièrement ce débat. Nous devons voir un fasciste ou un terroriste islamiste comme nous voyons un chat qui torture une souris; cela nous permettrait de voir les choses telles qu'elles sont réellement: des êtres qui ont un comportement qui est grave, et que nous voudrions changer.

Diapositive n°66.
66.

Tobias Leenaert a dit cette phrase excellente: «Peut-être que la vraie épreuve de notre empathie est non notre traitement des plus faibles parmi nous – en l'occurrence, des non-humains, nous sommes fiers de défendre les plus faibles parmi nous – mais aussi des pires parmi nous.» C'est-à-dire la manière dont nous envisageons le traitement des humains les pires, que nous pouvons essayer de voir d'un autre œil.

J'ai fait toute une conférence là-dessus, en 2016, à Pour l'Égalité Animale à Genève, on la trouve facilement sur internet. C'est un sujet que je trouve très important.

Conclusions

Repère vidéo 2:35:01; extrait vidéo (32s).

Diapositive n°67.
67.

 

Diapositive n°68.
68.