Ce texte est celui d’un tract distribué à 5 000 exemplaires à Lyon, et envoyé aux services d’hygiène et à la mairie, ainsi qu’à l’association écologiste «SOS environnement», co-organisatrice de l’«opération» d’anéantissement des rats.
Il a été publié dans le n°1 (1991) des Cahiers antispécistes, et peut aussi se lire sur le site de la revue.
On parle de la dératisation en termes très fonctionnels, d'«Opération sanitaire à périmètre défini», et de «destruction des rongeurs». Qu'est-ce à dire?
Vivent sans doute dans le quartier plusieurs milliers de «rongeurs», de «nuisibles», c'est-à-dire de rats, petits mammifères que l'on ne voit finalement guère, mais qui occupent plus ou moins incognito la ville, comme les humains, les chats et d'autres animaux.
Les rats sont pourvus d'un système nerveux aussi élaboré que les humains, c'est-à-dire qu'ils ressentent la souffrance tout comme la ressentirait un être humain. Or, comment va s'effectuer cette «destruction»? Voilà un extrait de l'Encyclopédie de l'hygiène alimentaire de J. Lederer: «Les anticoagulants (...) provoquent des hémorragies internes rapidement mortelles. (...) Un grand inconvénient de ce produit est le long délai (24 à 48 heures) entre l'ingestion du produit et la mort de l'animal.» Rapidement? Une heure ou deux d'agonie, ou un ou deux jours?
En tout cas pour «améliorer le niveau de salubrité» et «la qualité d'environnement» du quartier, des milliers de rats vont être amenés à se tordre de souffrance un bon moment, à mourir dans des conditions effroyables. Car c'est bien de cela qu'il s'agit.
Lorsque rentrent en ligne de compte des intérêts humains, aussi minimes soient-ils, les animaux ne sauraient compter d'aucune façon. Pour une salubrité qui semble si importante, on projette et réalise la souffrance atroce de milliers d'êtres. Mais attention, peu importe, cette souffrance n'est pas une souffrance sociale, elle ne dispose pas de circuits sociaux qui la relaieraient, et dès lors, elle ne sera ni vue, ni entendue, ni sentie: elle n'existera pas, pour tout dire, balayée de nos circuits de résonance sensible.
Se pose-t-on le problème de la «salubrité»? En Finlande, pour éviter la prolifération des rats, des gens ont lancé avec l'appui du Ministère de l'Agriculture une campagne de contraception par voie orale, campagne indolore et non meurtrière. Mais qui, en France, se pose ce genre de problème? Qui voudrait, si petitement soit-il, considérer aussi la souffrance d'animaux autres que de compagnie?
(En passant, il a été d'ailleurs omis de conseiller chacun de tenir enfermés les chats et les chiens qui pourraient manger des rats malades).
Par refus de ces souffrances, j'en appelle à ceux qui se sentent concernés par ces mises à mort planifiées en tortures: pour enlever le raticide dans les parties communes des caves, le mettre dans des sacs plastiques et le rendre à son propriétaire, la mairie (l'opération dure du 17 juin au 12 juillet).