Ce texte date de juillet 1990, et a été publié à l'époque dans une petite brochure Les chiens et les chats aussi deviennent végétariens sur l'alimentation végétarienne des chats et des chiens, en préface à un texte de Barbara Lynn Peden, créatrice du supplément Vegecat. Il a par la suite été publié en ligne sur le site de l'association Veg' et Chat.
Je le reproduis ici non seulement comme témoignage d'une époque où la possibilité pour les chats de vivre sans manger la viande semblait un peu comme aller sur la lune! – mais aussi parce que les arguments de fond que j'exposais alors me paraissent encore d'actualité.
Noter qu'il a été précédé sur ce thème par un texte de Françoise Blanchon paru dans la brochure Nous ne mangeons pas de viande pour ne pas tuer d'animaux (1989), intitulé «Les chats, les chiens, et la viande» (p. 29 de la brochure, disponible en PDF par le lien ci-dessus).
Aujourd'hui, il n'est plus nécessaire de confectionner soi-même la pâtée végétarienne, en y ajoutant le supplément Vegecat; il existe au moins trois marques d'aliments prêts à l'emploi que l'on peut se procurer en France*.
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Ci-dessous se trouvent quelques réponses aux remarques les plus souvent avancées vis-à-vis de l'alimentation végétarienne des chats et chiens.
«Ce n'est pas naturel»
Nourrir un chat ou un chien sans viande n'est certainement pas naturel, mais les nourrir tout court n'est pas naturel. Le chat et le chien ne sont pas eux-mêmes naturels, ils ont été crées par l'homme à partir d'espèces sauvages. L'homme les a tellement modifiés qu'on ne sait même pas exactement de quelles espèces ils proviennent; bien qu'il en soit proche, il n'est pas sûr que le chat domestique descende directement du chat sauvage d'Europe, ni de même que le chien provienne du loup. Leurs habitudes et leur physiologie ont changé, dans une direction voulue par les hommes, selon les intérêts des hommes, sans se demander si cette évolution «respectait leur nature». Pourtant, beaucoup se plaisent à trouver scandaleux de les nourrir sans viande, parce qu'ici il ne s'agit pas de servir des intérêts humains, mais de servir ceux d'autres animaux, que l'on dit «de boucherie». Et on ne se demande pas dans quelle mesure il est «naturel» pour ces derniers d'être justement «de boucherie», d'être sélectionnés pour leur rendement, d'être parqués des mois ou des années durant dans des espaces où ils peuvent à peine bouger, de recevoir une nourriture on ne peut moins «naturelle», et, finalement, de finir leur carrière dans des boîtes pour autres animaux, dits «familiers», dont les ancêtres sauvages n'auraient jamais songé à se nourrir de bœuf ou de poisson...
Si l'homme avait eu intérêt à nourrir les chiens et les chats sans viande, cela fait belle lurette que cela serait fait, tout comme, pour des motifs purement économiques, les poules en batterie sont nourries sans vers de terre, alors que leurs ancêtres en mangeaient dans la nature. Et on ne se soucie pas de savoir si cela est «contre nature», mais seulement si le rendement n'en est pas affecté.
Pour moi le problème de savoir si c'est naturel ou non de nourrir les chats sans viande ne m'intéresse pas plus que de savoir si c'est naturel ou non de lui faire faire pipi dans une caisse avec du gravier. Ce qui m'importe est de savoir si un chat ou un chien peut être en bonne santé et heureux sans viande; et ceci en gardant à l'esprit que les animaux qui servent à faire la viande, eux, n'ont pas cette chance qu'on se préoccupe de leur bonheur et de leur santé, du moment qu'ils arrivent vivants aux portes de l'abattoir.
Et si on veut vraiment que ce soit dans la «nature» des chats d'être carnivores, il faut croire que mes chats ne sont plus des chats; en effet, ce qui est vraiment dans la nature d'une chose, on ne peut le changer. Je continuerai quand même à les appeler «chats», parce qu'ils continuent à ressembler à des chats, à jouer, miauler, ronronner, etc. comme des chats.
«Ils ont par nature besoin de viande»
Il n'y a pas de différences fondamentales sur le plan nutritif entre la viande et les plantes; il y a des nuances. Les chats et les chiens ont certainement des ancêtres lointains herbivores. Dans la nature, qu'un animal soit carnivore signifie surtout que ses moyens de déplacement (rapidité de la course, etc.) et d'attaque (dents, griffes), ainsi que son psychisme le portent à chasser, plutôt qu'à manger des plantes. Un loup qui ne chasserait pas survivrait difficilement, parce qu'il n'a pas, par exemple, l'habitude qu'a l'écureuil de collectionner les graines pour l'hiver, ni la dentition permettant d'ouvrir les noisettes, ni enfin les réflexes de mastication qui rendent les plantes plus digestes; un ensemble de faits disparates, et non une quelconque «nature de carnassier», font que le loup chasse. Il n'a pas «besoin» de viande, mais de protéines, graisses, vitamines, etc., sous une forme appétissante et digestible. D'ailleurs les renards, et sans doute les loups, mangent beaucoup de fruits, quand ils en trouvent.
Voir aussi: L'alimentation «naturelle» d'un chat ou d'un chien n'a aucune raison d'être la meilleure pour lui; cf. «Sur un certain sophisme concernant le concept darwinien d'adaptation».
Le système digestif et le métabolisme (aptitude à utiliser et à transformer les aliments) d'un animal carnivore s'adaptent par la force des chose à son alimentation – tant bien que mal, car une alimentation très carnée est toujours déséquilibrée. En particulier, chez le chat, qualifié contrairement au chien de «carnivore exclusif», les reins sont lourdement sollicités par la grande quantité d'azote (protéines) à éliminer. Dans les conditions difficiles de la nature, un chat vit rarement plus de cinq ou six ans, et ses reins peuvent tenir le coup ce temps-là; mais en appartement, où il peut vivre plus de quinze ans, ce sont en général les reins qui lâchent en premier, et, les vétérinaires le disent, «le chat meurt par les reins». Aucun vétérinaire sensé ne recommanderait pour un chat un régime aussi riche en protéines que celui qu'il aurait dans la nature; le régime «naturel» pour un chat n'a aucune raison d'être le meilleur pour lui. Bien au contraire, les vétérinaires sont souvent obligés de se battre pour faire admettre aux gens que leur chat est malade parce qu'il mange trop de viande pure – un tel régime est pire encore pour eux que leur régime «naturel», qui comporte une certaine quantité de plantes (au moins le contenu de l'estomac des proies), et aussi des os.
Des problèmes diététiques réels à résoudre
Il n'empêche que les adaptations du chien et du chat à un régime carné posent des problèmes, surtout pour le chat, lorsqu'on veut les nourrir sans viande; ces problèmes sont faciles à résoudre pour le chien, et semblent être résolus pour l'essentiel pour le chat.
— Le chien et le chat ont un intestin court et ne mâchent pas. La viande est plus facile à digérer (absence de cellulose) que les plantes. Un morceau de carotte crue passera presque intact dans les crottes. Il faut donc choisir des aliments faciles à digérer, éventuellement traités pour ça, en particulier par la cuisson.
— Le chien, et surtout le chat, ont besoin de beaucoup de protéines. Le foie du chat, adapté à un régime très protéiné, transforme les acides aminés en énergie à un rythme soutenu, et continue à le faire même quand ils manquent. Un régime végétarien pour chat doit donc être basé sur des plantes riches en protéines, tout en évitant l'excès de protéines qu'ont les régimes «tout viande».
Nutritivement, les protéines végétales et animales sont, contrairement à ce que beaucoup croient savoir, fondamentalement les mêmes; elles sont formées à partir des mêmes acides aminés, dont la liste est une constante du vivant. Il y a seulement des variations dans le taux de chaque acide aminé, de l'ordre du simple au double, ce qui ne pose pas de problème sérieux. À cause de leur plus grande richesse en certains acides aminés, les protéines animales sont souvent dites supérieures aux végétales; c'est sans doute vrai dans certains cas, mais pas de façon générale. Et les boîtes pour chiens et chats contiennent surtout des sous-produits animaux, avec beaucoup de gélatine et de tendons divers, dont les protéines ont une très mauvaise composition en acides aminés, alors que le soja et la levure, qui entrent dans les recettes de B. L. Peden, sont riches en acides aminés essentiels.
Pour le chien, il n'y a que ces problèmes, qui sont quantitatifs.
— Le chat, lui, pose des problèmes spécifiques. Il y a grosso modo quatre substances que le chat a l'habitude d'extirper aux souris et qu'il ne sait fabriquer lui-même à partir des plantes: la taurine, la vitamine A, et deux acides gras.
Voir aussi: «La taurine n'est pas un acide aminé».
La taurine est une petite molécule banale que la plupart des animaux se fabriquent eux-mêmes. Elle se trouve dans tous les organes. Le chat qui mange de la viande profite de celle que fabrique un autre animal; et il a perdu la capacité de s'en fabriquer assez lui-même. Il n'y en a pratiquement pas dans les plantes. Sans taurine le chat devient aveugle; une carence modérée peut lui faire des problèmes cardiaques. Les boîtes pour chat, dont la viande est cuite et accompagnée de plantes, sont pauvres en taurine (aux Etats-Unis, les fabriquants y rajoutent de la taurine de synthèse), et vraisemblablement les chats français en manquent souvent. Pire de ce point de vue, les chats de rue reçoivent souvent moitié pâtes, moitié boite. Le Vegecat contient de la taurine de synthèse, assez pour éviter toute carence, et mes chats, végétariens, sont donc plus à l'abri des problèmes cardiaques dus à une carence que la plupart des chats français non végétariens.
Il est bien connu que les légumes contiennent de la vitamine A, mais en fait c'est de la provitamine A, ou béta-carotène, que notre intestin transforme en vitamine A. Les chats, eux, ne savent pas faire cette transformation, et dépendent pour cela des animaux qu'ils mangent, dont la chair contient de la la vitamine A. Il est facile d'en trouver de synthèse, il y en a en additif dans la plupart des boites pour chats. Le Vegecat en contient.
Certains s'offusquent de ce que la taurine et la vitamine A, ainsi que quelques autres composants du Vegecat, soient de synthèse. La nourriture que je donne à mes chats, avec le supplément Vegecat, est globalement bien moins «chimique» que celle que l'on donne aux poules et aux vaches qui finissent dans les boîtes pour chats (ou dans la viande fraîche du boucher). Et ces mêmes boîtes contiennent encore d'autres produits chimiques, dont souvent justement de la vitamine A, et, aux Etats-Unis, de la taurine, plus des colorants et des nitrates, etc. Pour moi, le caractère partiellement synthétique du supplément ne me gène que dans la mesure, faible, où cela finance des groupes industriels de la chimie, dont globalement je n'approuve pas les méthodes; mais ceci est vrai dans une proportion ridiculement petite par rapport à tout ce que je consomme dans ma vie quotidienne, et il y a moins de chimie dans la demi cuillerée de Vegecat que je donne chaque jour à chacun de mes chats que dans le papier d'emballage ciré autour de la tranche de viande que d'autres achètent chez le boucher, sans parler de ce qui a nourri cette tranche de viande. La moitié des écologistes intégristes qui me reprochent de nourrir mes chats avec de la chimie rentrent ensuite tranquillement chez eux en bagnole, prout prout les gaz d'échappement, les raffineries que l'on fait vivre, le plomb que l'on rejette, l'acier que l'on consomme, les autoroutes que l'on encourage et les piétons que l'on écrase, qui, s'ils sont encore vivants, se feront remettre sur pieds à grands coups de pharmacie.
Il y a enfin les deux acides gras que les chats ne savent pas synthétiser, le GLA et l'EPA. Le premier, acide gamma-linolénique, se trouve dans quelques plantes comme la bourrache, l'onagre et les pépins de cassis, et dans des algues. Le deuxième se trouve dans des algues. Le constituant principal du Vegecat est une telle algue qui contient ces deux acides gras.
Le Vegecat contient encore d'autres vitamines et minéraux, non indispensables car on en trouve facilement dans les végétaux, mais qui permettent d'assurer un bon équilibre alimentaire avec des recettes simples. Dans le même esprit, B. Lynn Peden a développé un Vegedog, destiné à simplifier l'alimentation végétarienne pour les chiens.
Enfin, même si au niveau nutritionnel il peut toujours y avoir des critiques à faire au travail de B. Lynn Peden, celle-ci paraît compétente et plus motivée par le bonheur des animaux que par l'argent. Le supplément Vegecat, qu'elle vend, est peu cher, et revient à environ 1 F par jour, tous frais d'envoi en France compris; cela représente à peu près le quart du prix total des recettes. Les données scientifiques qu'elle donne dans son livre cadrent bien dans l'ensemble avec un ouvrage français reconnu, Diététique du chien & du chat de R. Wolter, professeur de diététique animale à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort. Des centaines de chats sont actuellement nourris avec cette formule depuis plusieurs années, apparemment sans conséquences particulières sur leur santé.
«Ils veulent de la viande»
Il est clair que si on laisse choisir un chat entre de la viande et rien, il choisira la viande. Et si on lui donne le choix entre les recettes végétales de B. Lynn Peden et rien, il choisira les végétaux. Donc match nul. Mais si on lui donne le choix entre la viande et les végétaux? Voici donc une citation tirée de Diététique du chien & du chat:
Les préférences acquises au moment du sevrage découlent normalement de l'imitation du comportement maternel dans le choix des aliments à partir de l'âge de 5 à 7 semaines. Ainsi, les jeunes carnivores s'habituent-ils à consommer les aliments maternels, même si ceux-ci ne sont pas les plus courants, et conservent durablement les mêmes goûts. Par exemple, des chatons dont la mère a été entraînée à ne consommer que de la banane ou des pommes de terre, n'acceptent que ces aliments et négligent la viande.
Ce conditionnement alimentaire inculqué dès la fin de l'allaitement est particulièrement tenace chez le chat qui est capable de se tenir à une consommation très exclusive, par exemple a base de foie de bœuf qui l'expose à une hypervitaminose A, en refusant une alimentation qui lui est inhabituelle. Toutefois, en ambiance sereine, le chat goûte volontiers des aliments nouveaux, quitte à revenir ensuite à sa ration préférée.
Donc, le chat préfère manger ce qu'il a toujours mangé, même si cela est très mauvais pour lui. Pour lui faire changer d'habitude, il faut parfois un certain temps.
Voici le paragraphe précédant:
Les préférences innées chez le chat le portent très manifestement vers les matières premières d'origine animale. Parmi celles-ci, les plus appréciées sont le poisson et/ou le foie de bœuf, puis les viandes de cheval, de bœuf, de porc ou de poulet, avant les abats et surtout le sang. (...) Ces préférences tiennent d'abord à l'odeur de l'aliment puis au goût, lié en particulier à la richesse en matières grasses et à la saveur de celles-ci. Elles sont également dépendantes de la texture des préparations. Bien qu'il soit chasseur, le chat apprécie davantage la viande cuite et les aliments composés en boîtes (conserves) plutôt que ses propres proies (...).
Si ces préférences innées existent, elles ne signifient pas que le chat veut de la viande. Elles signifient que le chat a au départ une certaine préférence, qu'il peut perdre, pour un certain type de texture, d'odeur, etc., et non pour la viande, puisqu'il n'a pas la notion de viande. Il faut beaucoup d'imagination pour penser que le chat qui mange sa boîte au bœuf sait ce qu'est un bœuf, conçoit qu'il mange de la chair, et désire que des animaux soient tués pour le nourrir. Il mange sa boîte parce qu'il trouve ça bon, tout comme mes chats mangent leur nourriture végétale parce qu'ils y ont pris goût. Ceux qui disent que leur chat veut qu'on tue des animaux pour le nourrir ne font que leur prêter leurs propres sentiments carnassiers (et ils sont d'ailleurs souvent fiers de considérer leur chat ou chien comme un carnassier). Mes chats, même quand je leur donnais de la viande, n'ont jamais demandé qu'on massacre pour eux, ne sont pas responsables de ces massacres, et c'est une perversion curieuse de justifier ces massacres en leur nom.
Pour les Français la bouffe est sacrée, surtout la viande. On a l'impression que c'est là tout l'intérêt de leur existence. Je garde des chats depuis douze ans, et je n'ai jamais eu le sentiment que leur nourriture était ce qu'il y avait de plus important pour eux; ils ont toujours eu des préférences, se sont toujours plaints quand il n'étaient pas contents, et puis après, ont pensé à autre chose, ou, suivant leur habitude, à rien. Leur bonheur semblait beaucoup plus dépendre de l'attention qu'ils recevaient des humains et des relations qu'ils avaient entre eux. Aujourd'hui, ils mangent leurs végétaux avec le même flegme que quand ils mangeaient des boîtes, que ce soient des boîtes de luxe ou à 2 F. Quand je leur donnais de la viande, certains raffolaient du foie, et aujourd'hui, Ek adore les spaghettis, Chat Noir les adorait aussi (seulement avec de la levure), Clap se régale de carottes cuites et de mie de pain, et Puçoïde, qui venait de la rue et était très sauvage, vient maintenant sur les genoux grâce aux biscuits Palmito (qui ne contiennent ni lait, ni beurre, ni œufs). On m'a dit que certains chats sont très friands de fruits comme le melon. Le fait de les nourrir avec des plantes ne signifie donc pas leur interdire toute friandise, tout plaisir alimentaire.
Quant à la transition entre la viande et les plantes, elle s'est faite pour mes chats sans problèmes. Pour ça, je veux bien croire que j'ai de la chance. Chat Noir était depuis longtemps habitué à aimer la levure (beaucoup de chats en deviennent facilement friands), et les recettes en contiennent. Il a un peu boudé au départ, puis s' est habitué. Les autres chats venaient de la rue et étaient affamés, et ils ont tout de suite accepté ce que je leur donnais. Ils ont eu quelques problèmes digestifs lors de la transition, surtout Ek, mais cela s'est calmé en quelques jours; la diarrhée d'Ek était surtout due au lait qu'elle avait bu avant d'arriver chez moi, et non au caractère «contre nature» de sa nouvelle nourriture. Mes chats semblent maintenant globalement en aussi bonne santé que ceux que j'avais à l'époque où je leur donnais de la viande. Chat Noir (né en 1974?) fit une cystite en septembre 1989, puis, en décembre, plus grave, une pneumonie (comme en 1982, quand il mangeait de la viande «comme tout le monde»). À partir d'avril suivant, sa santé s'est dégradée, et il est mort, il y a un mois, d'insuffisance rénale chronique. Peu avant de devenir végétarien, il avait des problèmes de poils et d'articulations, qui faisaient craindre qu'il ne devienne de plus en plus infirme, comme beaucoup de chats âgés. Ces problèmes ont guéri rapidement quand il est devenu végétarien – mais c'est peut-être tout simplement parce que c'est aussi à ce moment-là que nous l'avons traité contre les vers. Jusqu'à la veille de sa mort, Chat Noir était actif et joueur; heureux de vivre...
Je pense que pour mes chats, le fait de manger sans viande n'a rien de dramatique, et a beaucoup moins d'incidence sur leur santé et leur bonheur dans un sens ou dans l'autre que bien d'autres facteurs.
Pour moins faire tuer d'animaux...
On m'a dit que c'était idiot de rendre des chats végétariens, parce que ce qui entrait dans les boîtes était des déchets de boucherie et qu'aucun animal n'était tué pour cela. C'est un type d'excuse très courant pour tout et n'importe quoi, allant de «ce n'est pas pour ma voiture qu'il y a des autoroutes», à «manger du foie ne fait pas tuer un animal, il n'est pas tué pour son foie» (ou du jarret, ou de l'entrecôte, etc.), quand ce n'est pas «de toutes façons l'animal est déjà mort». Néanmoins, dans le cas présent, cet argument fait une drôle d'impression, surtout accompagné de remarques dans le genre «être végétarien est mauvais pour les chats». En effet, les dits déchets, soit sont réellement impropres à la consommation, soit sont classés comme tels parce qu'il existe un débouché pour eux, dans les boîtes pour animaux. Dans ce dernier cas, sans ce débouché, ils seraient classés comme comestibles et seraient incorporés dans les hamburgers et autres raviolis, remplaçant une partie de la viande qu'on y met actuellement. Et le nombre d'animaux tués baisserait tout comme quand un humain devient végétarien. Si par contre ces déchets sont réellement dangereux pour la santé, cela est inquiétant pour les chats et chiens qui les mangent. Et même dans ce cas, la possibilité de trouver un débouché pour ces déchets les «valorise» , rentabilise et encourage l'élevage et l'abattage, fait baisser le prix de la viande pour humains et encourage sa consommation, tout en fournissant une solution à peu de frais aux problèmes que causerait autrement leur élimination. Ceux qui sont contre les abattoirs n'ont pas à financer les abattoirs.
Une des formes les plus cruelles d'exploitation d'animaux, l'élevage en batterie des poules pondeuses, est rentable entre autre parce que ces poules, devenues un an après leur mise en service des déchets vivants, peuvent aboutir dans des aliments pour autres animaux. La viande à tous les repas, vers laquelle tendent les Français, est encouragée par l'apparition de cuisses de poulet vendues prédécoupées sous Cellophane; et où va le reste du poulet? Vraisemblablement encore dans des boîtes et des croquettes.
On pourrait certainement multiplier les exemples. Le fait de nourrir certains animaux avec la chair d'autres n'est pas et ne peut pas être innocent. J'ai lu récemment que les chats et chiens français consomment autant de viande que l'Espagne entière. Toute la souffrance des élevages et abattoirs d'Espagne pour nourrir nos toutous et minous chéris. J'aime beaucoup mes chats, mais je les aime d'autant plus que j'ai moins besoin aujourd'hui pour les nourrir de pactiser avec la barbarie.
Une possibilité importante à faire connaître
Il y a également une motivation «idéologique» qui me pousse à promouvoir le végétarisme aussi pour les chats et les chiens. Beaucoup de gens prétendent justifier leur propre carnivorisme en prétextant qu'il s'agirait d'un ordre de la nature: pour vivre, il faudrait tuer. Et cet ordre, ils le respectent, surtout parce que ce n'est pas eux qui sont tués dans l'affaire. En utilisant le Vegecat, je leur montre clairement que je n'entends respecter d'autre ordre que celui de la vie et du bonheur des uns et des autres, et que ce qui a été jusqu'à présent une réalité, le fait que certains doivent tuer pour vivre, n'est pas une fatalité, et peut, au moins dans une certaine mesure, être remis en cause, de même que les maladies, qui sont et seront encore longtemps une réalité, peuvent être combattues, et que l'on ne se prive pas de les combattre, parce que, là, ce sont nos intérêts à nous qui sont en cause.
Quand je dis que je suis végétarien, on me répond souvent, avec un sourire ironique, pour essayer de me «coincer»: «Et tes chats, ils sont végétariens?». Bien que je voie mal la pertinence de cet «argument» (?), il est plus simple de pouvoir répondre tout simplement: «Oui».
En nourrissant mes chats sans viande, je montre aussi en pratique, par des exemples concrets, que même des animaux adaptés à un régime carnivore peuvent vivre sans viande, et vivre bien. Cela règle de façon assez radicale les idioties que l'on entend encore très souvent sur le fait que les humains auraient besoin de viande.
Quelques problèmes toutefois.
1. Le Vegecat pur sent mauvais pour les narines humaines (les chats semblent indifférents). Or le premier réflexe qu'on a est de renifler l'odeur du produit, et une odeur désagréable incite à la méfiance. Il est bon de connaître le pourquoi de cette odeur. Il y a les algues, qui donnent une faible odeur de marée, mais surtout la méthionine, un acide aminé, qui sert à améliorer l'équilibre des protéines. La méthionine est utile sans être indispensable. C'est un produit de synthèse, fabriqué industriellement pour nourrir par exemple les poulets en batterie – et les boîtes pour chats, qui contiennent ces poulets, contiennent donc indirectement plus de méthionine de synthèse que mon Vegecat.
2. Nourrir un chat sans viande est encore un peu «expérimental». On ne peut pas être sûr que c'est sans risques. Je pense que les risques sont faibles, et que le jeu en vaut la chandelle. On est beaucoup plus indulgent face aux risques que les gens font prendre à leurs chats, quand c'est par convenance personnelle, par exemple en ayant une voiture. J'ai récemment entendu parler de quelqu'un qui a involontairement tué son chat en démarrant. Le chat était couché sur la roue de la voiture. Cette personne n'a pas pour autant abandonné sa voiture; et elle envisage de reprendre un chat. Tout le monde trouve ça normal. Et on crie à la vivisection quand on apprend que je ne donne pas de viande à mes chats.
3. Néanmoins, pour diminuer le risque, il y a une chose essentielle: pouvoir en parler aux vétérinaires. La plupart sont hostiles. Ils ne sont déjà pas végétariens eux-mêmes; ils sont vétos comme d'autres sont médecins, parce que ça rapporte, et ne sont pas plus «amis des animaux» que le Français moyen, c'est à dire que ça arrive mais rarement. Avec Françoise, nous avons fini par trouver un vétérinaire vers Lyon, qui n'a pas sauté en l'air quand on lui en a parlé. Et c'est nécessaire de pouvoir en parler, parce que, surtout pour un chat malade, ou âgé comme Chat Noir, l'alimentation doit pouvoir être adaptée selon le cas.
4. Le prix. Avec la recette que j'utilise actuellement, cela revient à moins de 3F par jour pour un chat moyen. C'est donc moins cher que beaucoup de marques de boîtes. Mais les refuges, et les personnes qui nourrissent les chats de rue, arrivent parfois à avoir des prix moins chers que cela.
5. Le temps de préparation. Avec la recette actuelle, cela nous prend 30 minutes (vaisselle comprise) tous les quatre jours, pour nourrir quatre chats. La préparation demande un certain soin, et il vaut mieux posséder une balance précise. Si on a moins de chats, cela prend proportionnellement plus de temps. Pour certains refuges et certaines personnes qui nourrissent les chats de rue, le temps de préparation, la gestion de la vaisselle sale, etc. pourraient être lourds. Il existe aussi une recette sèche, où l'on peut préparer une grande quantité à l'avance, et seulement ajouter de l'eau au moment de servir; mais ce n'est pas la moins chère (à cause du prix des flocons d'avoine). En tout cas il existe sans doute de bonnes solutions dans la plupart des cas, il faudrait seulement les chercher.
6. Beaucoup de personnes qui nourrissent les chats de rue sont retraitées, et le temps de préparation ne leur serait pas prohibitif.
7. Enfin: le livre est en anglais. L'auteur est d'accord pour que le livre soit traduit en entier et édité, mais on attend encore le public pour l'acheter.
Appel à l'aide
Cela me paraît important aujourd'hui de trouver un vétérinaire végétarien en France qui veuille s'intéresser au problème et s'y impliquer. J'ai passé moi-même beaucoup de temps à étudier la nutrition pour pouvoir assurer à mes chats une alimentation de qualité, mais je n'ai pas de formation spécifique dans le domaine, ni l'accès facile à certaines informations. De toutes façons, plusieurs avis valent mieux qu'un. Il y a des vétos aux Etats-Unis qui ont approuvé le Vegecat, mais un vétérinaire français aurait plus de poids face au public et aux autres vétérinaires français.
Donc si vous connaissez un vétérinaire végétarien, ou si vous en êtes un, je serais très content d'en être informé.
* Marques Benevo, Amì et Vegusto.